Les débuts de ce mouvement coopératif remontent au 6 décembre 1900, lorsqu’une centaine de citoyens de Lévis, ayant répondu à l’invitation d’Alphonse Desjardins (1854-1920), signent le pacte social créant la Caisse populaire de Lévis, première coopérative d’épargne et de crédit sur le continent américain. Profondément engagé dans le développement de son milieu, Desjardins se préoccupe depuis longtemps de l’insécurité financière des classes populaires. Né au sein d’une famille pauvre, il fait d’abord carrière comme journaliste, puis comme éditeur des débats à l’Assemblée législative du Québec. Propriétaire d’un journal pendant quelques mois, il devient ensuite sténographe français de la Chambre des communes à Ottawa, poste qu’il va occuper jusqu’à sa retraite.
En 1897, Alphonse Desjardins est témoin, à la Chambre des communes, de révélations troublantes concernant les pratiques usuraires à Montréal et se met à la recherche d’une solution qui permettrait aux gens ordinaires d’avoir accès à des services d’épargne et de crédit. Il entre alors en contact avec les principaux représentants des coopératives de crédit européennes et accumule une abondante documentation qui lui servira à concevoir un modèle original de coopérative.
La caisse populaire s’inspire des banques populaires et des caisses rurales d’Allemagne, d’Italie et de France et des banques d’épargne nord-américaines. Elle offre à ses membres la possibilité de mettre en commun leurs épargnes et de créer ainsi un réservoir de crédit. Suivant les principes coopératifs, elle est administrée sur une base démocratique par des dirigeants élus. Ses membres, qui sont à la fois propriétaires et usagers, possèdent chacun un seul droit de vote, quelle que soit l’ampleur de leur participation financière dans la caisse.
En 1906, l’adoption par le gouvernement québécois de la Loi concernant les syndicats coopératifs procure à la caisse une reconnaissance juridique et ouvre la voie à la mise en place d’un réseau. De 1900 à 1915, Alphonse Desjardins participe à la fondation de 136 caisses populaires au Québec et de 18 autres en Ontario, en plus d’une caisse de groupe. En Nouvelle-Angleterre, il contribue à lancer le mouvement des credit unions. En plus de participer à la fondation de neuf caisses, il collabore à la rédaction de projets de loi concernant les coopératives d’épargne et de crédit au Massachusetts et à New York. Dans ce travail exigeant, réalisé bénévolement, Alphonse Desjardins bénéficie de l’appui du clergé catholique et de quelques leaders sociaux. Il peut aussi compter sur la collaboration constante de sa femme, Dorimène Desjardins (1858-1932) qui, de 1903 à 1906, s'occupe de la gérance de la caisse pendant ses longs séjours à Ottawa où le retiennent ses fonctions de sténographe parlementaire. Dorimène Desjardins est d'ailleurs reconnue aujourd'hui comme cofondatrice des caisses populaires.
Après le décès d'Alphonse Desjardins, ses successeurs verront à la réalisation des plans qu’il avait esquissés pour assurer la pérennité de son mouvement et étendre son champ d’action. Des fédérations régionales sont alors créées afin de regrouper les caisses et de mettre en place des services d’inspection et de soutien technique. Rudement secoué par la crise économique des années 1930, le Mouvement connaît ensuite un essor spectaculaire, grâce à la mise en place, en 1932, d’une fédération provinciale et à une mobilisation sociale sans précédent en faveur de la création d'entreprises coopératives.
La multiplication des caisses et leur croissance financière leur permet, dans les années 1940, d’investir des fonds dans la création de sociétés d’assurances contre les dommages et pour les personnes. À la même époque, les caisses se dotent d’un fonds de sécurité. En 1960, lorsque commence la Révolution tranquille, on compte plus de 1200 caisses qui regroupent 1,2 million de membres et possèdent un actif de 687 millions de dollars. À côté de l’État, le Mouvement des caisses Desjardins est l’un des acteurs sur lesquels les Québécois misent le plus pour développer leur économie sur les plans local et national. Le Mouvement se dote alors de deux nouvelles compagnies d’assurances, d’une société de fiducie et d’une société de fonds de placement. Il s’engage dans le domaine de l’investissement avec une participation au capital de la Société générale de financement, avant de créer, en 1971, sa propre société de capital de risque. Au cours des années 1970 s’ajoutent une fondation pour attribuer des bourses aux étudiants, une société de développement international ainsi qu’une société historique qui met en valeur l’histoire de l’organisme. Le Mouvement Desjardins se signale également par la conception et l’implantation d’un système informatique révolutionnaire qui lui permet d’offrir les services intercaisses à partir de 1975. Jadis limités à des opérations d’épargne et de crédit de base, les services des caisses se diversifient. Tout en libéralisant leur politique de crédit pour offrir le crédit à la consommation et la carte de crédit, les caisses populaires manifestent un souci constant pour l’éducation économique de leurs membres.
Au cours des dernières décennies, la mondialisation, le décloisonnement et les nouvelles technologies transforment profondément l’industrie des services financiers. Pour faire face à la rapidité des changements et relever le défi d’une concurrence accrue, le Mouvement Desjardins se donne de nouveaux outils, en plus de revoir ses façons de faire et de repenser son organisation. On assiste au développement des services automatisés et électroniques (guichets automatiques, paiement direct, transactions par téléphone et par Internet), à la création de la Caisse centrale Desjardins et des centres financiers destinés aux entreprises, à la mise en place de services internationaux, de services spécialisés pour les entreprises, de services de gestion d'actifs, de valeurs mobilières, de planification financière et de planification de la retraite. Un cadre juridique modifié autorise les caisses à offrir à leurs membres les produits de leurs filiales (assurances, valeurs mobilières, fonds de placement, etc.). Les fusions de caisses permettent de consolider le réseau et de moderniser son offre de services. Afin de réduire les coûts d’opération et de donner plus de souplesse et de flexibilité à leur organisation, les caisses procèdent aussi au regroupement de leurs 11 fédérations et de la confédération pour ne former qu’une seule fédération.
Depuis le début des années 1980, le Mouvement regroupe dans ses rangs toutes les fédérations de caisses d’épargne et de crédit qui existaient au Québec, dont celle des caisses d’économie. Au début des années 1990, il a aussi accueilli, à titre de membres auxiliaires, les fédérations des caisses du Manitoba et de l’Acadie, en plus de celle de l'Ontario qui est devenue membre à part entière en 2004. L’accroissement de sa présence dans les autres provinces canadiennes constitue aujourd’hui l’une de ses principales stratégies de développement.
Avec ses 5,8 millions de membres propriétaires, particuliers et entreprises, le Mouvement Desjardins est aujourd'hui la première institution financière au Québec et le plus grand groupe financier coopératif au Canada. Il se distingue des banques ordinaires par sa nature coopérative, ses valeurs et son engagement auprès des individus et des communautés. Ces dernières années, il s’est donné de nouveaux outils pour se rapprocher des personnes à faible revenu (les fonds d’entraide) ainsi que des microentreprises (le microcrédit aux entreprises). De plus, pour participer au développement des régions-ressources et des entreprises coopératives, il a créé le Capital régional et coopératif Desjardins. En raison de ses racines profondes dans la société, le Mouvement des caisses Desjardins est reconnu comme l’une des composantes majeures des identités québécoise et canadienne.