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Les champignons du Québec

Peterjürgen Neumann

Professeur retraité
Université de Montréal

Les champignons poussent partout où l’on trouve de la matière organique sur laquelle ils peuvent se développer. Les vastes étendues des forêts d’Amérique ont donné naissance à une diversité fongique d’une richesse étonnante. Dès l’arrivée des Amérindiens sur le continent, il y a plus de 10 000 ans, certaines espèces de champignons ont été utilisées pour la consommation, pour des rites religieux, pour les décorations ainsi que pour sauvegarder ou démarrer un feu lors des déplacements des tribus. Au Québec, on rapporte l’utilisation de champignons chez les Montagnais et les Algonquins. Les premiers Européens, arrivés en Nouvelle-France après les explorateurs Jacques Cartier et Samuel de Champlain, s’intéressaient peu aux champignons, au contraire ils s'en méfiaient. Le mycologue René Pomerleau le confirme : « Nous avons sans doute hérité, au Québec, de nos ancêtres venus de France, aux XVIIe et XVIIIe siècles, de l’appellation de “pain du diable” que l’on donnait encore récemment à ces plantes et de l’interdiction de les toucher et, bien sûr, de les consommer. »

Au Québec, l’intérêt pour les champignons a changé progressivement depuis le début du 20e siècle à cause de l’arrivée en plus grand nombre d’immigrants italiens et slaves, connaisseurs de champignons, de la publication des premiers ouvrages populaires en français sur l’identification des champignons, de la création des premières associations d’amateurs vouées à l’étude des champignons sauvages (Montréal, 1950; Québec, 1951) et de l’apparition des champignons cultivés dans les magasins d’alimentation. Aujourd’hui, la « chasse » aux champignons et l’intérêt pour ce groupe d’organismes vivants qu’on appelle « fonge » (afin de le distinguer de la faune et de la flore) sont notables. On peut l'observer par le nombre croissant de visiteurs qui fréquentent les expositions et les foires organisées annuellement par les sociétés mycologiques qui existent un peu partout au Québec.

La présence de champignons ou de leurs organes de fructification est en lien avec les conditions particulières exigées par chaque espèce. L’humidité, la température et la présence du substrat sur lequel les champignons se développent sont les facteurs les plus importants. Les variations climatiques annuelles expliquent, du moins en partie, pourquoi plusieurs espèces ne fructifient pas tous les ans. L’inventaire actuel des macromycètes présents au Québec dépasse les 2000 espèces. Certaines d’entre elles, comme les morilles ou les gyromitres, sont typiques du printemps, mais les principales périodes pour la formation des organes de fructification des basidiomycètes sont, au Québec méridional, la fin de l’été et le début de l’automne. Parmi les champignons les plus recherchés, on trouve les chanterelles, les bolets, les lactaires du thuya et les pieds bleus. Les intoxications dues à la consommation des champignons sont relativement rares au Québec. Parmi les espèces mortelles, on trouve l’ange de la mort (Amanita virosa), les galérines, comme la Galérine marginée (Galerina autumnalis), et les petites lépiotes, comme la Lepiota josserandii. Ils contiennent des toxines appartenant au groupe des cyclopeptides. Chez le gyromitre (Gyromitra esculenta), la toxine est une hydrazine.

Plusieurs espèces de champignons sont cultivées au Québec. Le champignon de couche, ou « champignon de Paris » (Agaricus brunnescens), est le plus répandu des champignons cultivés. Sa culture a pris naissance au 17e siècle à Paris dans des carrières souterraines sur des lits (ou couches) de paille contenant du crottin de cheval. La culture du « Shiitake » (Lentinus edodes) a son origine au Japon. Il est cultivé sur des troncs d’arbres feuillus fraîchement coupés. Plusieurs espèces de pleurotes, cultivées principalement sur les bûches des arbres feuillus (surtout du peuplier) et quelques autres espèces colonisant le bois sont également offertes au consommateur québécois. La culture des truffes, champignons mycorhizateurs des racines de chênes, de noisetiers et d’autres feuillus, pratiquée depuis cent ans dans la région méditerranéenne et plus récemment en Chine, est encore au stade expérimental au Québec. En revanche, la richesse de certaines régions forestières (Gaspésie, Nouveau-Québec) permet une collecte commerciale des champignons comestibles qui prend de plus en plus d’ampleur.

La culture industrielle des levures et de quelques autres champignons microscopiques est très importante pour l’industrie agroalimentaire. La fermentation des jus de fruits à l’aide de champignons, la production du vin, de la bière et d’autres boissons alcoolisées, du pain et de certains fromages datent du début de l’agriculture. La production des antibiotiques, des protéines, des enzymes ou des acides organiques concerne des espèces des genres Penicillium, Candida, Aspergillus et Trichoderma.

La plupart des champignons se développent sur la matière organique morte; ils sont importants pour le recyclage des nutriments dans la nature. Les parasites qui s’attaquent à la matière vivante sont aussi nombreux. Chez les plantes, ils sont responsables d’un tiers de toutes les pertes subites en agriculture ou en foresterie. L’élimination de l’orme américain du paysage québécois et la disparition du châtaignier américain des Appalaches sont dues à des champignons microscopiques introduits d’Europe ou d’Asie. L'ampleur des pertes en foresterie causées par des champignons pathogènes sur les racines et la base des troncs est souvent sous-estimée. En milieu agricole, le combat contre les maladies fongiques, comme la rouille du blé et l'ergo du seigle, les charbons des céréales ou les blancs et les moisissures des fruits et des arbres fruitiers, mobilise d'importantes sommes d'argent. Les parasites des animaux ou de l’homme sont moins fréquents mais souvent très difficiles à éliminer. L’importance des champignons formant des symbioses (lichens, endomycorhizes et ectomycorhizes) est des plus considérable. On estime que le nombre d’espèces de champignons dépasse un million, mais seulement 90 000 environ sont répertoriés.

Contrairement aux plantes et aux animaux, les champignons, ou mycètes, ne forment pas un véritable corps organisé en différents organes. La partie d’un champignon souvent invisible à l’oeil nu est formée par des filaments microscopiques, fortement ramifiés et entrelacés. L’ensemble des filaments est appelé mycélium. Normalement, la partie visible du champignon est l’organe de fructification. Sur ou dans cet organe a lieu le développement des spores sexuées ou asexuées, qui assurent la propagation du champignon. La formation et le type des spores sexuées déterminent l’appartenance d’un mycète à l’un des cinq grands embranchements qui regroupent l’ensemble des champignons.

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