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Nouvelles orientations grammaticales

Marie-Claude Boivin

Professeure
Université de Montréal

Monique Lebrun

Professeure
Université du Québec à Montréal

Le début des années 1970 a marqué le renouvellement de l’enseignement grammatical en raison de la prise en compte des théories linguistiques modernes (structuraliste, générativiste et énonciative), et on reconnaît actuellement partout en francophonie que la grammaire scolaire ne peut se passer d’une solide réflexion linguistique. Cette grammaire, dite nouvelle, repose sur une conception différente de la structure de la phrase. Au-delà des unités que sont les mots, elle considère de façon systématique les groupes (ensembles de mots) comme des unités pertinentes et propose également comme outils d’analyse de la phrase les manipulations syntaxiques (addition, effacement, déplacement et substitution).

Mutations récentes en contexte francophone

Cette réforme a véritablement commencé en Suisse romande, en 1979, avec la publication de Maîtrise du français, un ouvrage méthodologique fondé sur la démarche inductive. L’ouvrage De la phrase au texte, de Combettes, Fresson et Tomassonne, publié en France la même année, préconisait non seulement la démarche inductive mais la prise en compte de la linguistique énonciative dans une « grammaire de texte » scolaire. En Belgique, Gobbe publiait, dès 1978, Pour appliquer la grammaire nouvelle et, en 1980, Propositions de terminologie grammaticale.

Au Québec, ce n’est qu’entre 1983 et 1985, avec le lancement de la série Ateliers de grammaire et d’orthographe de Langlois-Choquette et Pelletier, que certains acquis des théories linguistiques seront transposés en grammaire, jusqu’à leur intégration dans le programme de 1995. Actuellement, dans la foulée des programmes officiels, tous les pays de la francophonie s’alignent sur les nouvelles méthodes d’analyse issues de la linguistique et il y a peu de variation d’un pays à l’autre quant aux usages en ce domaine.

Les catégories (ou classes) de mots habituelles que sont le nom, le verbe, l’adjectif et l’adverbe sont en grammaire nouvelle le noyau de groupes. Cette notion de groupe est fondamentale; les unités d'analyse incluent donc le groupe nominal (GN), verbal (GV), adjectival (GAdj) et adverbial (GAdv), sans compter le groupe prépositionnel (GPrép), introduit par une préposition. Les différents articles et adjectifs non qualificatifs (ex. : l’adjectif démonstratif) sont regroupés sous le terme générique de « déterminants », parce qu’ils occupent la même position dans le GN. L’adjectif est le noyau d’un GAdj; à l’intérieur d’un GN, le GAdj est « complément » du nom.

La phrase et ses constituants

Toute phrase du français peut s’analyser en référence à un modèle de base, formé de deux parties ou constituants obligatoires et fixes, et, le cas échéant, d’un ou plusieurs constituants facultatifs et mobiles. Dans la phrase Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout contre les portes de la nuit, les constituants obligatoires sont le GN les enfants qui s’aiment et le GV s’embrassent. On ne peut les effacer (*s’embrassent debout contre les portes de la nuit; *les enfants qui s’aiment debout contre les portes de la nuit) ou les déplacer (*s’embrassent les enfants debout contre les portes de la nuit) : ces manipulations créent des phrases agrammaticales (notées avec l’astérisque). Cette phrase comprend deux constituants facultatifs, le GAdv debout et le GPrép contre les portes de la nuit, effaçables sans que la phrase ne devienne agrammaticale (Les enfants qui s’aiment s’embrassent).

Les groupes syntaxiques

L’analyse grammaticale implique l’identification des mots, mais également la reconnaissance de leur combinaison en groupes, fonctionnant comme une unité organisée autour d’un noyau. L’utilisation des manipulations permet d’identifier clairement un groupe de mots. Ainsi, le GN les enfants qui s’aiment est formé du noyau enfants, d’un déterminant (les) et d’une subordonnée relative (qui s’aiment). Tout le GN peut être remplacé par le pronom ils dans la phrase. Cela indique qu’il s’agit d’un groupe : Ils s’embrassent debout contre les portes de la nuit.

Les fonctions grammaticales

Les fonctions grammaticales sont attribuées aux groupes, et non, comme en grammaire traditionnelle, aux mots pris isolément. On peut identifier, comme principales fonctions grammaticales, celles de sujet (de la phrase), prédicat (de la phrase) et complément (du verbe, du nom, de l’adjectif, de l’adverbe, de phrase). Elles indiquent l’existence d’une relation étroite entre deux éléments, se traduisant parfois par des marques d’accord entre eux.

En remplacement de la question traditionnelle « qui est-ce qui? » posée avant le verbe, deux tests permettent d’identifier le groupe sujet de la phrase : l’encadrement du groupe par c’est…qui ou ce sont…qui, et le remplacement du groupe par un pronom sujet. Ces tests identifient les enfants qui s’aiment comme sujet de la phrase : Ce sont les enfants qui s’aiment qui s’embrassent debout contre les portes de la nuit; ils s’embrassent debout contre les portes de la nuit.

La fonction de prédicat est attribuée au GV pivot de la phrase, formé du verbe conjugué et de ses éventuels compléments obligatoires. Le verbe donnent comprend dans l’exemple suivant deux compléments obligatoires, des maux de tête et à leurs parents, qui forment avec lui le prédicat : Les enfants terribles donnent des maux de tête à leurs parents .

La fonction de complément de phrase est celle des constituants facultatifs et mobiles accompagnant les constituants obligatoires et correspond souvent (mais pas toujours) à l’ancien complément circonstanciel. On peut effacer les compléments de phrase (voir plus haut) et les déplacer en tête de phrase : Debout, les enfants qui s’aiment s’embrassent contre les portes de la nuit. Contre les portes de la nuit, les enfants qui s’aiment s’embrassent debout. Ces déplacements ne changent en rien la grammaticalité de la phrase.

Les noms, adjectifs et adverbes peuvent également avoir des compléments, sous forme de groupes de diverses catégories. Par exemple, un nom peut prendre comme complément une subordonnée relative (les enfants qui s’aiment ), un GAdj (les enfants terribles ), un GPrép (les portes de la nuit , des maux de tête ). Un adjectif peut prendre un GPrép comme complément (Jacques est fier de son fils).

L’apprentissage grammatical : l’accent sur les grandes régularités

Sur le plan pédagogique, la grammaire nouvelle induit un changement de perspective : on s'intéresse en priorité aux phénomènes réguliers et stables, plutôt qu'aux phénomènes périphériques. On commence très tôt l’apprentissage des constituants obligatoires de la phrase (GN et GV) et on initie systématiquement l’élève aux manipulations syntaxiques. On considère que les manipulations lui permettent de mieux identifier les catégories de mots et les fonctions grammaticales, en se basant sur des critères formels stables et non plus sur des critères en grande partie sémantiques, comme dans la grammaire traditionnelle. L'analyse en groupes éclaire notamment les phénomènes d'accord : l'élève apprend l’accord intragroupe (par exemple, l’accord de l’adjectif avec le nom dans le GN) et l’accord intergroupes (par exemple, l’accord du verbe avec le sujet). La pertinence des unités d'analyse et la focalisation sur les grandes régularités permettent à l'élève de développer des outils solides d'analyse grammaticale.

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Ce mot fait partie de la liste orthographique du primaire (#listeNomComplet#) du ministère de l’Éducation et de l'Enseignement supérieur (MEES) du Québec, élaborée en collaboration avec le Centre d’analyse et de traitement informatique du français québécois (CATIFQ) de l’Université de Sherbrooke.

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