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Comme c’est le cas dans tous les pays francophones, le français que l’on parle et que l’on écrit en Suisse romande se caractérise par un ensemble de particularités lexicales qui ne font pas partie du français dit « de référence » (le français non marqué régionalement dans les dictionnaires de langue générale). Nous en offrons ci-dessous une petite sélection, dans laquelle nous avons pris soin d’inclure de nombreux mots que la Suisse a en commun avec le Québec (il s’agit le plus souvent d’archaïsmes, c’est-à-dire de mots qui faisaient autrefois partie du français général, mais qui sont peu à peu sortis de l’usage « central »).

Lexique

A B C D E F G H I L M N O P R S T U V Y

A

HE académique adj.

♦ Qui concerne l’université et les études universitaires. Carrière académique; calendrier académique; résultats académiques; le monde académique; vacances académiques. « […] on ne trouve aucune corrélation entre réussite professionnelle et résultats académiques. » (L’Hebdo, 1993).Année académique, période administrative dans les universités qui s’étend généralement d’octobre à septembre. « Pour l’année académique 1993-94 notre université a déposé 14 demandes à Bruxelles » (UniNeInf, 1993). ◊ Liberté académique, droit de l’étudiant de choisir ses cours; droit de l’étudiant de ne pas assister à ses cours. « Un autre élément qui limite les possibilités d’adaptation est celui des cours obligatoires, principe qui, même s’il est parfois nécessaire, va à l’encontre de la liberté académique et du libre choix de l’étudiant […]. » (L’Auditoire, 1993). ◊ Quart d’heure académique, période qui précède le début effectif d’un cours. (Figuré) Répit, sursis.

□ Attesté depuis 1839. Les établissements d’enseignement supérieur s’appelaient autrefois Académie en Suisse romande. Le substantif a été remplacé par Université, mais l’adjectif est resté. Comme cet emploi du mot coïncide avec l’allemand akademisch adj. « universitaire », on l’a souvent interprété comme un germanisme; il est vrai que le contact avec l’allemand a dû contribuer à son maintien.

HE alma mater n. f. inv. (variante graphique Alma Mater, Alma mater)

♦ Établissement universitaire; (en particulier) l’université où l’on a fait ses études. « L’Alma mater a décerné des diplômes à tour de bras. » (La Liberté, 1998). ◊ (au pluriel) « Objectifs prioritaires : préserver la formation et maintenir l’ouverture des alma mater au plus grand nombre. » (Le Nouveau Quotidien, 1993). ◊ (avec adj. ethnique latin) Alma Mater friburgensis, Université de Fribourg.

□ Emploi plutôt rare en France, où il semble restreint à une valeur plaisante, ou renvoie à des universités étrangères. Dans le monde anglo-saxon et germanique, en revanche, il est courant, ce qui explique peut-être sa fréquence dans le français canadien, belge et romand.

HE appondre v. (aussi apondre)

I. 1. ♦ (v. tr.) Joindre, fixer bout à bout; attacher, unir. Appondre des brins de laine, des cordages; appondre un char au tracteur, un wagon à la locomotive; écrire en appondant les lettres d’un mot. « Comme il est seul avec Thérèse, il espère que des bras viendront à son secours. Il les attend tout en travaillant, regarde sur la route lorsqu’il "appond" ses chars […]. » (A.-L. Chappuis, La Moisson sans Grain, 1955). I. 2. ♦ (v. intr.) Prolonger une discussion en répliquant. ◊ (Dicton) Qui répond appond, en répliquant sans cesse, on éternise la discussion, on avive la dispute. II. ♦ s’appondre v. pron. Se joindre, s’unir, s’assembler, s’accrocher. « Ensuite se produit l’emboîtement, le baiser des tuyaux. Ils s’appondent en laissant échapper une salive jaunâtre […] et le ciment est soufflé là-dedans […]. » (M. Chappaz, Chant de la Grande Dixence, 1965). III.appondu, -ue part. passé-adj. Uni, joint, assemblé, accroché. « […] l’association des commerçants zurichois du centre ville a décidé de contribuer à l’animation des rues : la Bahnhofstrasse, par exemple, sera entièrement recouverte par un toit flottant de tissus appondus à la façon japonaise. » (Le Nouveau Quotidien, 1993).

□ Première attestation : 1408 (sous la forme du participe passé apondue), 1666 (sous la forme de l’infinitif appondre). Type lexical très bien attesté en ancien et en moyen français, qui survit en SR et en français régional de France (Bourgogne, Doubs, Haut-Jura, Ain et Savoie); représentant direct du latin apponere.

HE apponse n. f.

1. ♦ Endroit où deux choses se joignent, point de rencontre. Il vous faut faire la peinture du plafond tout d’une fois, sinon on voit l’apponse. 2. ♦ Rallonge (d’une ficelle; d’une table). 3. ♦ Annexe d’un bâtiment. 4.Apponse de char, pièce destinée à joindre un char à un autre.

□ Première attestation : 1743 (aponce). Ancienne forme participiale du verbe appondre, voir ci-dessus.

HE armailli n. m.

(FRIB) ♦ Vacher, homme chargé de garder, de traire et de soigner les vaches (et éventuellement les veaux, les génisses et les chèvres) dans les alpages où les troupeaux passent la belle saison. ► L’armailli s’occupe également de la production du fromage. De nos jours, les armaillis accueillent parfois des touristes de passage en haute montagne. Ils participent à certaines fêtes folkloriques, vêtus du costume traditionnel. Costume, veston d’armailli; la société des armaillis, le chœur des armaillis; un armailli fribourgeois, gruérien. Beurre, lait, crème, fromage, recette d’armailli. « Habitué des pâturages, avec plus de 20 ans d’expérience, cet armailli s’occupe de 6 vaches, 36 génisses et 4 veaux, que son fils resté en plaine lui a confiés. » (La Gruyère, 1976). ◊ Maître(-)armailli, chef d’un alpage, qui dirige le personnel et fabrique le fromage. « L’enfant s’étant abrité dans un chalet pendant un orage, un jour où il était allé cueillir des framboises, le maître armailli lui fit voir la chambre du lait. » (Coopération, 1977). ◊ Armailli(-)chanteur, armailli qui chante lors des fêtes de village. « Une mention particulière aux armaillis-chanteurs dont chaque exécution est racée. » (La Gruyère, 1977).

□ Premières attestations : 1497 (ancien fribourgeois armallie), 1538 (armallier) et 1804 (armailli). Emprunt du français régional au patois francoprovençal.

HE assermentation n. f.

♦ Action de faire prêter ou de prêter serment; son résultat. L’assermentation des élus, des gendarmes. Procéder à, célébrer l’assermentation des conseillers. Jour, cérémonie d’assermentation. « Elle eut beaucoup de grandeur, samedi matin, la cérémonie d’assermentation des 165 conseillers des 33 paroisses de la Gruyère, à Bulle. » (La Gruyère, 1986).

□ Première attestation : 1847. Dérivé d’assermenter, suffixe -ation. S’emploie aussi au Québec.

HE autogoal n. m., auto-goal

♦ But qu’une équipe marque dans ses propres filets. Marquer un auto(-)goal. « Les supporters écossais ont dû attendre un autogoal d’A. B. à la fin de la première prolongation pour voir le Celtic de Glasgow se qualifier péniblement au détriment des Young Boys de Berne. » (La Liberté, 1993). ◊ (Figuré) Action dommageable à son (ses) auteur(s). « Interdire la publicité, c’est marquer un auto-goal. Pour le sport, précisément. […] Interdire la publicité, c’est lancer un boomerang qui nous reviendra en pleine figure. » (Le Quotidien jurassien, 1993). Rem. En France, comme équivalent, on dit but contre son camp.

□ Première attestation : 1963. Il semble s’agir d’un calque de l’allemand Eigentor n. n. « but tiré dans ses propres filets », aussi attesté au sens figuré, et très fréquent dans la presse de Suisse allemande. La forme des dialectes suisses alémaniques, aigegool, est encore plus proche de la forme suisse romande et pourrait bien avoir contribué à sa formation, par le détour de l’oral. Toutefois, l’hypothèse d’un italianisme n’est pas à écarter; en effet, l’italien auto-goal est déjà attesté en 1908, et autogoal en 1935, tous les deux dans le domaine des sports; on l’atteste aussi dans l’usage contemporain au sens figuré.

HE automate n. m.

♦ Appareil public qui distribue des denrées, des objets ou des tickets après introduction de pièces de monnaie (ou éventuellement de billets, d’une carte magnétique) dans une fente. Acheter des cigarettes, des timbres, un billet de train à l’automate. Automate à boissons, à billets. L’automate ne rend pas la monnaie. « Le Conseil communal de Berne propose au Conseil de ville d’acquérir 87 automates pour oblitérer et délivrer les billets de trams pour deux lignes de tramways et trois lignes d’autobus des entreprises des transports en commun. » (L’Express, 1968). ◊ (En particulier) Appareil qui distribue des billets de banque après introduction d’une carte magnétique pourvue d’un code d’accès personnalisé. Aller retirer deux cents francs à l’automate. « Ils sont l’objet de convoitise ou suscitent la crainte. Depuis les années 80, les automates à billets ont révolutionné le rapport des clients à leur banque. Et celui des consommateurs à l’argent. » (Le Nouveau Quotidien, 1993). Rem. Le terme automate désigne encore la machine de la laverie automatique, la pompe à essence et le tunnel de lavage automatique des voitures.

□ Première attestation : 1968 (au sens moderne). Le terme automate se rencontre sporadiquement en France, au Canada et au Luxembourg, mais n’a pas été pris en charge par la lexicographie française. Il constitue de toute façon un helvétisme de fréquence, probablement dû à l’influence de l’allemand Automat n. m. « distributeur automatique ». La dénomination québécoise guichet automatique peut s’entendre sporadiquement en Suisse romande.

B

HE banque n. f.

♦ Comptoir d’un magasin, d’une boutique. Banque pour magasin. La banque du petit magasin est très ancienne, mais rend encore service. « [à vendre :] Agencement complet d’épicerie : banque, frigo, enregistreuse et appareils divers. » (Tribune de Genève, 1975). Rem. Tend à vieillir; surtout connu chez les personnes âgées.

□ Premières attestations : 1387 (latin médiéval bancam « étal de boucherie »); 1680 (banque « sorte de buffet »); 1681 (bancque « comptoir de magasin »); 1773, 1789 (banque « idem »). Emploi relevé en moyen français, bien attesté dans les dialectes francoprovençaux et, plus sporadiquement, dans quelques zones occitanes; en français régional de France, on le relève çà et là dans le Sud-Est.

HE barjaque n. f., bardjaque

1. ♦ Personne bavarde, qui parle beaucoup et sans discernement. Une vieille barjaque. 2. ♦ Faconde, élocution rapide et abondante. Avoir la barjaque. Quelle barjaque il a! Impossible de l’arrêter. Rem. Appartient surtout au registre familier.

□ Première attestation : 1820. Formations déverbales sur barjaquer, mot du français régional de France.

HE barjaquer v., bardjaquer

1. ♦ (v. intr.) Parler à tort et à travers, sans réfléchir; parler pour ne rien dire. « Elle a beau être aussi jolie qu’Isabelle Adjani, elle se sent toute seule dans la vie avec un copain qui se fout d’elle […], un psychiatre qui renifle dans son fauteuil […], une maman qui barjaque toute seule au téléphone et une vie parisienne où les passants sont aussi agressifs que les bagnoles… » (Le Matin, 1993). ◊ Bavarder, jacasser, papoter. « Attendez. Je pose l’atomiseur. Cette vigne est finie. On pourra barjaquer un moment. » (J. Fonjallaz, Le Chemin des vignes, 1973). ◊ Babiller, en parlant d’un enfant. « C’était avant mon entrée à l’école, de cela je suis sûr, car Sophie ne parlait pas encore. Sophie a parlé très tard, […] mais lorsque j’ai commencé l’école elle "barjaquait" et faisait des phrases […]. » (G. Clavien, Châtaignerouge, 1977). 2. ♦ (exceptionnellement, en emploi tr.) Raconter d’une façon inaudible ou incompréhensible. Qu’est-ce que tu bardjaques? Je te comprends à peine. Rem. Appartient surtout au registre familier.

□ Première attestation : 1820. Ce mot connaît une extension géographique très importante dans le français régional de l’est et du sud-est de la France, d’où il est passé à la Suisse romande.

HE bec n. m.

♦ (familier) Baiser, bécot. Un petit bec sur la joue. Faire un bec, envoyer un bec, recevoir un bec. Donne un bec à ta tante! « Le cœur battant, on se regardait, l’œil tendre, on se disait des mots doux, on cherchait sur le chemin du retour un coin pas trop éclairé, on se donnait un petit bec… sur la joue. » (A. Itten, R. Bastian, En çà… en là!, 1975). ◊ (Comme formule de congé, à la fin d’une lettre) Gros becs! Gros bisous, grosses bises. Bons becs! Bons baisers.

□ Premières attestations : 1867 (bet), 1867 (bec). S’emploie aussi au Québec. Déverbal de becquer v. tr. « donner des baisers » (verbe aujourd’hui désuet).

HE bénichon n. f. (parfois écrit avec une majuscule)

(FRIB) ♦ Fête traditionnelle ayant lieu normalement à l’automne, à l’époque des récoltes et de la boucherie, dans le canton de Fribourg. ► Les festivités de la bénichon durent souvent jusqu’à trois jours (dont un dimanche); elles se caractérisent surtout par des repas très copieux où la gastronomie locale est à l’honneur, ainsi que par des danses en plein air sur le pont de danse. Grande bénichon. Dîner, souper, assiette, repas de bénichon. Menu traditionnel de bénichon. Spécialités de bénichon. Restauration de bénichon. Concert de bénichon. Grand bal de bénichon. Bénichon de la plaine, de la montagne. « La Bénichon, c’est la fête de l’automne fribourgeois par excellence, qui se déroule généralement le deuxième dimanche de septembre, dans la plaine. Les gens de la montagne et de la Gruyère ont la leur, le deuxième week-end d’octobre, quand les troupeaux sont descendus de l’alpage. » (Tribune de Genève, 1986). ◊ (Par extension) Fête patronale. ◊ Moutarde de bénichon, raisiné dans lequel on a délayé un peu de farine et qu’on assaisonne d’épices et de graines de moutarde. La moutarde de bénichon se mange sur le pain, en tartine, et remplace la confiture. Rem. Réalité propre au canton de Fribourg, mais connue dans toute la Suisse romande.

□ Premières attestations : 1414 (benission); 1864 (bénichon). Emprunt du français régional à une forme héréditaire, doublet du latinisme bénédiction, correspondant à l’ancien français beneiçon. La bénichon était à l’origine une fête commémorant la « bénédiction » ou dédicace de l’église paroissiale.

HE berme n. f.

♦ Terre-plein d’une autoroute. Berme centrale. « Retour de week-end tragique sur l’autoroute N1. Lundi vers 20 heures, entre Morges et Allaman, une voiture roulant en direction de Lausanne quitta subitement la chaussée, traversant la berme centrale avant d’emboutir deux véhicules circulant correctement en direction de Genève. » (24 heures, 1996).

□ Première attestation : 1967. Emploi spécialisé de français moderne berme n. f. « espace entre un rempart et un fossé (terme de fortification) », « espace laissé au bord d’un fossé, d’un canal, pour arrêter les terres qui viendraient à s’ébouler ».

HE bienfacture n. f.

♦ Caractère soigné et bien fait (d’un ouvrage quelconque); exécution soignée (d’une œuvre artisanale ou artistique). La bienfacture d’une lettre, d’une horloge, d’un tableau.

□ Première attestation : 1777. Création suisse romande; composé bien + facture, sur la base de bien fait.

HE blanc n. m.

♦ Trou de mémoire. « Pourtant, je répète mon texte depuis six semaines, je sais que je le sais! Mais, et les trous de mémoire, hein? Ça arrive, non? Je m’imagine déjà entrer sur scène, ouvrir la bouche et… rien. Le néant. Le blanc. Affreux ! » (Le Nouveau Quotidien, 1994). ◊ Avoir un / des blanc(s) loc. verb. Avoir un (des) trou(s) de mémoire. « Ce dimanche-là, le pasteur ne semble pas dans son assiette : […] il a des blancs, il s’"encouble" dans ses phrases. » (G. Duttweiler, Joyeusetés du Pays de Vaud, 1972). Rem. Très courant partout en Suisse romande, mais peu relevé jusqu’à maintenant à l’écrit, et pas du tout perçu comme régional.

□ Première attestation : 1972. Innovation sémantique romande, le blanc connotant l’absence, le vide (confer par exemple le sens du français général de « intervalle, espace libre qu’on laisse dans un écrit » et au figuré « espace vide, temps mort »; confer encore un blanc dans la conversation « un silence »). En Suisse romande, le mot ne doit rien à l’anglais blank, souvent évoqué (à tort ou à raison) pour expliquer un emploi parallèle en français québécois.

HE bloc n. m.

♦ Grand immeuble, édifice moderne (essentiellement d’habitation, mais pouvant parfois héberger des bureaux et de petits commerces) à plusieurs étages. Depuis qu’ils ont construit ce bloc devant chez nous, on n’a plus de vue. Bloc locatif. « Le personnage a ce souvenir flambant d’une réunion à la périphérie de Bulle, où plusieurs habitants de "blocs" s’étaient rassemblés autour d’un feu. » (La Gruyère, 1998). Rem. Dans la lexicographie française, le mot bloc signifie essentiellement « groupe de maisons circonscrit par des rues ».

□ Malgré les quelques attestations relevées en France, il s’agit probablement d’un emprunt à l’allemand (Wohn)block n. m. « pâté ou îlot de maisons; grand immeuble d’habitation ». Cet emploi est indépendant de l’emploi parallèle relevé en français québécois.

HE boquer v. intr. (rare bocker, bocquer)

(VD, FRIB, NE, BE, JU) ♦ (familier) Bouder, faire la tête. Il boque dans sa chambre. T’as fini de boquer comme ça! « Tiens, […] un verre de vin pour que tu arrêtes de bocker… » (BourquinPays 1985). ◊ (en particulier, en parlant d’un cheval) Se cabrer.

□ Transposition en français régional du mot patois correspondant.

HE boucherie n. f.

♦ Action de tuer et de dépecer le porc (éventuellement d’autres animaux) et d’en faire de la charcuterie, des cochonnailles. ► La boucherie a lieu normalement en automne, chez soi, à la ferme; elle est suivie d’une période de repas copieux, chez les particuliers mais aussi dans les restaurants de campagne, où l’on peut déguster des spécialités gastronomiques de confection artisanale (abats, boudin, saucisses, boutefas, atriaux, etc.). La boucherie peut aussi avoir lieu à d’autres époques de l’année, en particulier à la fin de l’hiver. Le jour, le temps, l’époque de la boucherie. Porc, bétail de boucherie. Repas de boucherie. « La boucherie a lieu tard dans l’automne, l’hiver, et aussi au premier printemps. / Dès les premiers froids, fais du lard ! / Tue ton porc, n’attends pas trop tard ! » (J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969). ◊ La viande elle-même. « Nous sommes déçus par notre boucherie faite le 15 décembre. Je me permets de vous envoyer une de mes saucisses à analyser. » (Le Sillon romand, 1975). ◊ Le repas servi à l’occasion de la boucherie. « Pour vos boucheries, VIANDE DE CHEVAL FRAICHE du pays. » (Le Sillon romand, 1976). ◊ Faire boucherie loc. verb. Abattre un animal (en particulier un porc), le dépecer, préparer la salaison et la charcuterie pour les besoins domestiques. « Nulle loi ne l’imposait mais quand les paysans faisaient boucherie, ils apportaient sa part au maître qui s’occupait de leurs enfants. » (M. Zermatten, Les Sèves d’enfance, 1968). — En France, on dit tuer le cochon.

□ Première attestation : 1764. Type très courant en Suisse romande, en français régional comme dans les dialectes; en France, n’a été relevé que dans l’Ouest. En outre, la locution est très bien attestée au Québec ainsi qu’en Acadie et jusqu’en Louisiane. Il se pourrait bien que l’on ait affaire à un cas de conservation, en aires latérales, d’un archaïsme du français général qui n’a jamais été reçu dans la lexicographie centrale.

HE bouteille n. f.

♦ Biberon; son contenu. Le bébé a eu sa bouteille. Nourrir un nourrisson à la bouteille.

□ Le mot biberon au sens de « petite bouteille pour faire boire un enfant » n’apparaît en français qu’en 1777, comme terme spécialisé, puis à partir de 1835 dans la lexicographie française. Mot d’origine savante, il semble avoir eu de la peine à se diffuser dans les patois ainsi que dans le français de certaines aires : en Lorraine, en Suisse romande, en Haute-Savoie (Chablais) et au Québec, il est concurrencé par bouteille, moins précis mais tiré de la langue courante.

HE bouter v. tr.

Bouter le feu loc. verb. Mettre le feu. « Les rôdeurs essayaient d’entrer de force, au besoin, grimpaient aux fenêtres, secouaient les poutres, menaçaient de bouter le feu à la maison. » (M. Zermatten, Les Sèves d’enfance, 1968). Rem. Ne semble pas perçu comme régionalisme; très fréquent dans la presse et dans l’usage oral.

□ L’emploi du verbe bouter est marqué comme vieux ou régional dans la lexicographie française. Quant à la locution bouter le feu, elle est plutôt mal documentée en France. En Suisse romande, l’influence des patois aurait pu contribuer à son succès. Mais elle est également très vivante en Belgique. Elle a en outre donné lieu au substantif français boutefeu. Ces données éparses laissent supposer qu’elle a joui d’une vie propre en dehors de la lexicographie.

HE bredzon n. m.

♦ Veste à courtes manches bouffantes, aux revers souvent brodés d’edelweiss; costume traditionnel des armaillis. Porter fièrement le bredzon fribourgeois. « Le mois prochain pour la désalpe, il descendra dans la plaine en bredzon, l’habit de fête des armaillis fribourgeois. » (Télé Top Matin, 1993). Rem. Ce mot à connotation folklorique ne connaît pas d’équivalent en français de référence.

□ Premières attestations : 1719 (bergeon); 1722 (brezon). Emprunt du français régional à la forme dialectale fribourgeoise correspondante.

HE bricelet n. m.

♦ Petite gaufre très mince, croustillante et friable, sucrée ou salée, plate ou roulée en flûte. ► Traditionnellement, on confectionne les bricelets à la maison pour les fêtes, mais de nos jours ils sont disponibles tout au long de l’année dans les établissements commerciaux. Bricelets vaudois. Bricelets vanillés. Bricelets à pâte mince, à pâte épaisse. Bricelets doux, sucrés, salés. Bricelets ronds, carrés, roulés. Pâte à bricelets. Cuire des bricelets. « La maison rutile comme aux jours de fête. […] De jeunes villageoises sont venues aider au service en tablier blanc. Elles offrent du vin, du thé, des gâteaux de toutes sortes, des "bricelets" salés ou sucrés. » (S. Deriex, L’Enfant et la mort, 1968). ◊ Fer à bricelets, gaufrier spécial permettant de confectionner les bricelets. Les fers à bricelets se distinguent par l’originalité et la beauté des motifs qu’ils permettent d’imprimer à la pâte. « Les fers à bricelets ont eux aussi de nombreuses variantes. Une forme très classique […] s’est toutefois généralisée dans le canton. Il s’agit d’un fer rectangulaire permettant de fabriquer six bricelets à pâte épaisse. Une des faces comprend une sorte de damier en léger relief, alors que la seconde est ouvragée de décors primitifs, naïfs et merveilleux. » (M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973). ◊ (Figuré) Personne ou animal très malingre.

□ Première attestation : 1562. Dérivé du simple bressel, attesté à Fribourg dès 1426, qui correspond au moyen français bresseau n. m. « sorte de pâtisserie ». Ce type lexical remonterait à un latin vulgaire *brachiatellu qui, emprunté par les parlers germaniques, a donné naissance à la famille de l’allemand Bretzel.

C

HE cadre n. m.

♦ Tableau, illustration, gravure (encadré ou non). Cadres représentant des personnages, des paysages. « Ce cadre […] ça doit provenir d’un ami de mon grand-père. […] Cet autre, on l’a trouvé à la cave, sous une pile de journaux. Il représente Saint-Georges. » (M. Métral, L’Avalanche, 1966).

□ Première attestation : 1909. Extension métonymique à partir du sens de « bordure entourant un tableau »; également attesté dans le parler populaire parisien et au Québec, ainsi que dans de nombreux parlers et dialectes galloromans.

HE camisole n. f.

♦ Sous-vêtement d’homme, de femme ou d’enfant, couvrant le torse, le plus souvent moulant, sans manches et à encolure très ouverte, mais aussi parfois à manches courtes. Porter une camisole sous sa chemise par temps froid. Mettre sa camisole, changer de camisole. Une camisole en laine, en coton. « Il glisse deux doigts dans la nuque de la petite, qui s’enfoncent entre la camisole et les omoplates […]. » (C. Bille, La Fraise noire, 1968). Rem. Dans la lexicographie française contemporaine, le mot camisole est généralement donné comme vieilli et désigne un vêtement court, porté sur la chemise. — En France, on appelle maillot de corps ou tricot de peau, de corps ce que l’on désigne en Suisse romande par camisole.

□ Cet emploi du mot camisole étant commun à la Suisse romande, à la Belgique et au Québec, il s'agit probablement d'un archaïsme (bien qu'on ne trouve pas le sens qui nous intéresse dans les dictionnaires français des siècles derniers).

HE cantonalisation n. f.

♦ Action de transférer une compétence administrative du niveau communal (ou parfois fédéral) au niveau cantonal; résultat de cette action. La cantonalisation de l’enseignement professionnel, du système hospitalier. « Aussi s’oppose-t-il à un projet de rapport […] dans lequel une commission de fonctionnaires proposerait la "cantonalisation" des hôpitaux régionaux, qui perdraient leur indépendance et deviendraient des succursales de l’administration cantonale. » (La Liberté, 1977).

□ Première attestation : 1919. Dérivé du verbe cantonaliser (voir ce mot).

HE cantonaliser v. tr.

♦ Transférer une compétence administrative du niveau communal (ou parfois fédéral) au niveau cantonal; faire dépendre de l’administration cantonale. Cantonaliser l’enseignement. Cantonaliser un pont, une route. « En 1994, une initiative populaire est lancée à Zurich pour cantonaliser l’Opéra. » (Domaine public, 1996). ◊ En tournure passive. « Il y a quelques années, le Gymnase de La Chaux-de-Fonds a été cantonalisé. » (Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, Neuchâtel, 1974). ◊ cantonalisé part. passé-adjectif. « Tout d’abord, nous lui rappellerons que l’Ecole cantonale supérieure est cantonalisée depuis le printemps 1971. » (Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, Neuchâtel, 1974).

□ Première attestation : 1872. Dérivé verbal de cantonal (voir ce mot), suffixe -is(er).

HE cantonalisme n. m.

♦ Attitude favorisant l’indépendance des cantons face au pouvoir central. Un cantonalisme exacerbé. Une victoire du cantonalisme. « Le cantonalisme étroit, sous prétexte de démocratie, porte atteinte aux intérêts communs de la communauté helvétique qui sont énormes et qui sont les nôtres. » (Tribune-Le Matin, 1976). Rem. Le parasynonyme fédéralisme est plus répandu.

□ Première attestation : 1857. Dérivé de canton ou cantonal, suffixe -isme.

HE cantonaliste n. m./f., adj.

♦ (Personne) qui favorise l’indépendance des cantons face au pouvoir central. Une cantonaliste convaincue. Rem. Le terme usuel et beaucoup plus répandu est fédéraliste.

□ Première attestation : 1902 (Pierrehumbert). Dérivé de cantonal, suffixe -iste.

HE carrousel n. m.

♦ Manège de chevaux de bois; (par extension) tout manège de fête foraine. Faire un tour de carrousel. Les chevaux de bois, les autos tamponneuses d’un carrousel. « Elle se promena encore sur la place des fêtes. Elle avait perdu ses amies, mais elle avait besoin d’être seule. Elle contempla les carrousels; sur un voltigeur, tournoyaient les larges cotillons de taffetas de deux Dames de Sion. » (C. Bille, La Demoiselle sauvage, 1974). Rem. Dans l’usage suisse romand, manège est aussi utilisé comme synonyme de carrousel. — Le mot désigne, en français de référence, une parade de cavaliers ainsi que le lieu où se donnait cette parade. Les syntagmes carrousel à diapositives et carrousel à bagages, connus en Suisse romande, le sont aussi dans les autres pays francophones; mais leur apparition dans les dictionnaires est très récente.

□ Archaïsme du français de référence. S’emploie aussi au Québec.

HE case postale n. f. (abréviation C. P.; par ellipse case)

♦ Boîte aux lettres réservée à un particulier ou à une entreprise, dans un bureau de poste, et accessible en tout temps à l’aide d’une clé. Numéro de case postale. « Elle a peut-être une case postale et des lettres cachées dans ses bouquins ? » (J. Chessex, Carabas, 1971). ◊ Dans l’intitulé d’une adresse. « Tous renseignements concernant ce cours peuvent être obtenus à l’Office jurassien J + S, case postale 254 […]. » (Le Pays, 1976).

□ Première attestation : 1851. On trouve case postale dans certains dictionnaires français, mais il est très rare en France, alors que son emploi est courant en Suisse (tout comme au Canada). En France, on dit plutôt boîte postale.

HE cayon n. m. (aussi caïon, kayon)

(VD, VS, GE, FRIB) ♦ (populaire, rural) Porc, cochon; (par métonymie) viande de cet animal. « Accompagnez ce ragoût de "caïon" du vin que vous avez utilisé pour sa cuisson. » (M. Vidoudez, J. Grangier, À la mode de chez nous, 1976). ◊ (Comme terme d’insulte) « Les injures pleuvaient et pleuvent encore. Injures humaines à la ressemblance ! Tête de cochon ! Espèce de cayon ! Porc ! Goret ! » (J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969).

□ Première attestation : 1539. Mot de l’aire francoprovençale, d’origine inconnue; pourrait avoir un étymon préroman ou même pré-indoeuropéen.

HE châble n. m. (rare chable)

(VD, VS, NE, BE) ♦ Passage naturel en pente rapide, déboisé, où l’on fait dévaler dans les forêts de montagne les troncs, les billes de bois.

□ Premières attestations : 1346 (chaible), 1584 (chable). Type lexical attesté dans les patois de Suisse romande, d’Aoste et de Savoie; en français régional, en dehors de la Suisse romande, on le relève encore en Savoie.

HE chablon n. m.

1. ♦ Plaque de métal ou de carton dans laquelle on découpe une lettre ou un ornement que l’on reproduit sur une surface donnée en appliquant dans les parties en creux une substance colorante (ou, en pâtisserie, du sucre à glacer); pochoir, patron. Peindre au chablon. Motifs exécutés au chablon. 2. ♦ (Horlogerie) chablons n. m. pl. Pièces détachées qui, une fois montées, composeront le mouvement d’une montre. « Le groupe horloger biennois […] a très mal commencé l’année. […] Ses ventes d’ébauches, chablons et autres mouvements ont diminué de 44 %. » (24 heures, 1982). Rem. L’équivalent du français de référence, pochoir, semble à peu près inusité en Suisse romande. — En français de référence, chablon n’existe qu’avec le sens de « calibre servant au potier pour le façonnage des poteries ».

□ 1904. Emprunt à l’allemand Schablone n. f., de même sens (lui-même emprunté au moyen néerlandais schampelun, du français échantillon).

HE chambreur n. m.

(VD, VS, NE) ♦ Personne qui prend une chambre en location (chez une logeuse, dans une maison privée); pensionnaire. Elle loge trois chambreurs chez elle depuis la mort de son mari. « Ah bien sûr, elle notait tout dans ses carnets : les chambreurs, leur nom, leur origine, les versements, les vacances – elle faisait toujours payer la quinzaine d’avance, on ne sait jamais, s’ils filaient après dix jours, hein ? – les avances, les retards dans les paiements, les petits dégâts au linge. Il faut savoir où l’on en est quand on prend des chambreurs. » (A.-L. Grobéty, La Fiancée d’hiver, 1984).

□ Dérivé de chambre, suffixe -eur. Innovation suisse romande, qui existe de façon indépendante également au Québec.

HE champignonneur n. m.

♦ Cueilleur de champignons, personne qui aime aller à la cueillette des champignons. « Alors les forêts automnales en cuivre rose étaient pleines de justes champignonneurs et éducateurs. » (J. Chessex, Carabas, 1971). Rem. Le français de référence connaît champignonniste et champignonnier, mais ces termes didactiques désignent celui qui cultive les champignons, et non celui qui les cueille. — Le technicisme mycologue désigne un botaniste de formation spécialisé dans l’étude des champignons.

□ Dérivé en -eur sur champignon. Création d’apparition relativement récente.

HE channe n. f.

1. ♦ Broc en étain, muni d’un couvercle, pour servir le vin. ► La capacité des channes peut aller de quelques décilitres à plusieurs litres et leur forme varie selon les cantons. Une channe de vin rouge. Les channes fribourgeoises, valaisannes, vaudoises. Une channe assortie d’un plateau et de gobelets pour le vin blanc. « Au glorieux mur du "local" s’étalent les drapeaux verts et blancs des cortèges solennels et les fanions brodés d’or de l’Amicale, dans les vitrines pèsent les channes, les chaînes, les gobelets d’étain aux devises exaltantes et magiques […]. » (J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969). ◊ Récipient en bois, de forme et de fonction analogues. « J’ai vu, dans un village d’Anniviers, un Français acheter une channe en bois évidée au canif trois fois plus cher qu’une autre superbement polie, mais reproduite au tour de l’artisan spécialisé. » (Trente Jours, 1976). ◊ Les channes sont souvent offertes en guise de trophée, de prix, de récompense. Des channes seront accordées aux vainqueurs. Une channe gravée. « Le summum de l’assemblée fut la remise d’une channe fribourgeoise aux grenadiers ayant passé le cap des cent prestations en uniforme en cours d’année. » (La Gruyère, 1977). Rem. Le mot channe est pratiquement le seul employé en Suisse romande pour référer à cette réalité. 2. ♦ Récipient en métal servant au transport d’autres liquides. Une channe de lait. « Cette part d’ouvrage c’est traire les vaches, travailler un domaine tout en côtes, porter les lourdes channes de lait […]. » (Le Sillon romand, 1975).

□ Première attestation : 1360. Survivance d’un type largement attesté en ancien et en moyen français (sous la forme canne ou channe).

HE cheni n. m. (variantes graphiques chenis, chenil, chenit

1. ♦ (familier) Poussière, balayures; débris, déchets, détritus. Il faut balayer, jeter tout ce cheni. « Voilà une dizaine de jours que ce "chenis" traîne à la surface de la Sarine. » (La Liberté, 1976). ◊ Mettre, jeter, foutre (qqch.) au cheni, jeter (qqch.) à la poubelle. Le cheni passe, les éboueurs passent (JU). ◊ Brosse à cheni, petite brosse pour ramasser les balayures; pelle à cheni, porte-cheni, pelle à balayures. 2. ♦ (familier) Désordre, fouillis, pagaille. Ça fait cheni. Qu’est-ce que c’est encore que ce cheni? Il va falloir ranger tout ce cheni. « Cela fait rudement chenit dans le nouveau bâtiment des postes. Peut-être n’y a-t-il pas de crédit pour nettoyer ces escaliers ? » (Vevey- Riviera, 1990). ◊ (Très fréquent en emploi figuré) « En matière de traitement et d’élimination des ordures ménagères, il règne dans ce canton "un beau chenil". » (La Liberté, 1989). 3. ♦ (familier) Effets personnels, considérés comme encombrants, embarrassants, inutiles, de peu de valeur. Ramasse ton cheni! « […] ils entassent du chenit, ils arrivent avec leur commerce et il faut tout débarrasser à leur décès, ça fait un tas d’histoires. » (J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969).

□ Première attestation : 1864. D’un mot patois signifiant « balayures, décombres ».

HE corvée n. f.

♦ Travaux exécutés en groupe, d’intérêt public, auxquels chaque membre d’une communauté se prête bénévolement. Corvée communale, bourgeoisiale; corvée d’un alpage communautaire; les corvées de la Confrérie des vignerons. Aller en corvée, à la corvée. Faire une corvée. « Les ayants droit étaient astreints à des corvées; ils devaient par exemple apporter des matériaux pour les travaux de construction, ou monter de l’eau par grande sécheresse. […] Bien entendu, on ne connaît plus aujourd’hui ni prestations en nature ni corvées. » (P. Hugger, Le Jura vaudois, 1975). ◊ Lever une corvée, rassembler les participants à une corvée. « Partout et même au chef-lieu, des corvées avaient été levées. Deux cent trente hommes environ, et des villages d’alentour, septante femmes et jeunes filles parmi les plus robustes. » (D. Baud-Bovy, L’Homme à la femme de bois, 1970). Rem. Le plus souvent employé en référence au passé; la coutume existe encore dans quelques régions rurales, mais elle se fait de plus en plus rare.

□ Première attestation avec le sens de « corvée due à une communauté, à une ville » (et non « à un seigneur féodal », qui est le sens du français général) : 1492. Spécialisation sémantique d’un mot du français général aussi attestée au Québec.

HE costume de bain n. m.

♦ Vêtement de bain, le plus souvent en tissu extensible et moulant, pour la piscine ou la plage. S’acheter un nouveau costume de bain pour les vacances. Un costume de bain une pièce, deux pièces. Un costume de bain en lycra. « Je laissai ma valise au port d’Engelhardszell, à côté de la plage où quelques garçons en costume de bain jouaient à la balle, et, mon sac sur l’épaule, m’engageai sur la route où les voitures n’étaient pas plus nombreuses qu’autrefois. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974). Rem. Le mot s’applique à tous les types de maillots de bain (les slips et les shorts pour les hommes, ainsi que les modèles une pièce et les bikinis pour les femmes).

□ Archaïsme, d'un emploi encore très courant en Suisse romande ainsi qu’au Québec.

HE cru, crue adj.

♦ Humide et froid (du temps, d’un bâtiment, d’un local). Un temps cru, un appartement cru. « […] elle avait toujours cet enrouement bizarre et la gorge serrée. "L’air cru de l’église", pensa-t-elle. » (C. Bille, Les Invités de Moscou, 1977). ◊ Faire cru (loc. verb.) Faire froid et humide. Il fait bien cru ce matin. « Il fait un peu cru. On parle de rentrer. » (Nouvelle Revue de Lausanne, 1969). ◊ Cru (adj. substantivé) Air humide et froid. Le cru a envahi toute la vallée. « […] dès les premiers froids de l’automne on commençait à chauffer pour enlever le cru. » (BourquinPays 1985).

□ Type lexical attesté dans une grande partie de la moitié septentrionale de la Galloromania (déjà chez Froissart au XIVe siècle). En Suisse romande, il n’est attesté qu’à partir de 1860; il pourrait donc avoir été emprunté aux parlers du nord-est français. Bien connu au Québec.

HE cuisinette n. f.

♦ Petite cuisine moderne, trop exiguë pour servir en outre de salle à manger; coin cuisine, dans un studio. Cuisinette séparée. Cuisinette agencée. « Dans sa roulotte, il a aménagé une petite chambre avec cuisinette qui occupe la moitié de l’habitacle […]. » (24 heures, 1976). Rem. Dans la lexicographie française, cuisinette est le plus souvent donné comme recommandation officielle pour remplacer l’anglicisme kitchenette, mot beaucoup plus rare en Suisse.

□ Première attestation (en Suisse romande) : 1957. Dérivé (suffixe diminutif -ette) de cuisine. Aussi d’usage courant au Québec.

D

HE damassine n. f.

1. ♦ Variété de petite prune à la chair très estimée, de couleur rouge violette. De l’eau-de-vie de damassine. Un gâteau aux damassines. De la confiture de damassines. Cueillir des damassines. 2. ♦ Eau-de-vie réputée tirée de cette variété de prune. Et comme pousse-café, une petite damassine? Une damassine maison. Un canard de damassine. Sorbet pruneau à la damassine. « Et, au moment du café, on sortira des bouteilles étranges, sans étiquette; on versera à l’hôte de passage la damassine ou le sureau, la poire ou la prunelle, ces richesses des alambics dont tout Jurassien est jaloux. » (J. Montandon, Le Jura à table, 1975).

□ 2 dérive de 1 par métonymie; ce dernier représente un continuateur (avec changement de suffixe) du latin damascena, ellipse de pruna damascena « prune de Damas ».

HE déjeuner v. intr.; n. m.

I. ♦ (v. intr.) Prendre le repas du matin. Déjeuner en vitesse le matin. Il a déjeuné à l’hôtel ce matin avant de partir. Déjeuner avec un café et des croissants. « Bruno s’est levé tôt, alerte et plein d’entrain. Il a accompagné ses camarades à la gymnastique matinale, malgré le temps gris et pluvieux, est revenu tout rafraîchi de la douche, a déjeuné de bon appétit. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974). II. ♦ (n. m.) Repas du matin, premier repas de la journée; mets composant ce repas. Un déjeuner frugal, copieux. Préparer, servir le déjeuner. Prendre le déjeuner au lit. Sauter le déjeuner. « Puis, dans le crépuscule matinal, Else et la servante se mirent à préparer le déjeuner des garçons, levés beaucoup plus tôt que d’habitude, la physionomie hébétée. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974). Rem. L’équivalent du français de référence, petit-déjeuner, s’entend et surtout se lit assez souvent en Suisse romande, en particulier dans l’hôtellerie et la restauration, mais aussi dans la littérature; contrairement à déjeuner et à dîner, petit-déjeuner ne peut avoir qu’un sens et n’entraîne pas de malentendus, ce qui favorise sa diffusion.

□ Exemple classique de maintien d’un archaïsme en périphérie. Ce n’est guère que depuis le début des années 1970 que la lexicographie française donne cet emploi comme marqué, mais les premières attestations de déjeuner en France pour désigner le second repas de la journée datent du début du XIXe siècle. Cette innovation sémantique originaire de Paris fut conditionnée par l’évolution des pratiques sociales dans la capitale; tout le système de la désignation des repas y subit un déplacement qui eut pour conséquence l’apparition de petit déjeuner et le quasi-abandon de souper. Cette réorganisation du système ne s’est pas encore imposée dans toute la francophonie, ni même dans toute la France, et l’emploi de déjeuner en référence au premier repas de la journée se maintient encore dans de nombreuses zones, dont bien sûr le Québec.

HE désalpe n. f.

♦ Descente des troupeaux de bovins (et aussi parfois d’ovins, de caprins) des pâturages de haute montagne où ils ont passé la belle saison. ► La désalpe, qui a lieu en général en septembre ou au début d’octobre, représente un événement important dans la vie de l’alpage. Les armaillis, en costume d’apparat, ramènent en grande pompe dans la vallée leurs troupeaux ornés de bouquets de fleurs alpines, cloche au cou. C’est aussi lors de la désalpe que les meules de fromage fabriquées pendant l’été sont transportées dans la vallée, au village ou à la ville, pour être entreposées, affinées et commercialisées. La désalpe est parfois suivie d’une fête de village; elle attire de nos jours des milliers de touristes. Le jour de la désalpe; la fête, le bal, le cortège de la désalpe. Entreprendre la désalpe. « Il avait laissé une fiancée au village qu’il comptait épouser en automne, à la désalpe. » (M. Métrailler, La Poudre de sourire, 1980).

□ Première attestation : 1897. Déverbal de désalper.

HE dîner v. intr.; n. m.

I. ♦ (v. intr.) Prendre le repas de midi. Être invité à dîner. Dîner sur le pouce. « À une heure tous sont rentrés chez eux pour dîner. » (J. Chessex, Portrait des Vaudois). II. ♦ (n. m.) Repas de midi; mets composant ce repas. Préparer le dîner. Faire un petit somme après le dîner. Dîner d’affaires. Dîner bien arrosé. « Lorsque j’allais, à midi, les chercher pour le dîner, je les trouvais toutes deux entourées d’une épaisse vapeur. » (M.-F. Schenk, Notre autrefois, 1993).

□ Archaïsme largement maintenu dans plusieurs pays francophones, dont le Québec. L’emploi de dîner pour désigner le repas du soir est une innovation parisienne datant du début du XIXe siècle, qui peine à s’imposer dans les provinces françaises périphériques, surtout en milieu rural mais aussi dans certaines grandes villes (Lyon, Marseille), et reste cantonnée à une connaissance passive ou à des emplois formels dans les autres pays francophones.

HE direct adv.

♦ Directement; sans détour; aussitôt, sur-le-champ, tout de suite; d’un trait, en une seule fois. Rentrer direct à la maison. Je vais faire ça direct. Il est parti direct après souper. Il a avalé son verre direct. « Miel de bruyère, extra, naturel, direct de l’apiculteur. » (24 heures, 1977). ◊ Droit direct loc. adv. Très directement, sans ambages, sans aucune hésitation. Je te le dis droit direct.

□ Première attestation : 1916. Emploi très courant en Suisse, mais aussi connu dans l'usage populaire de France et des autres pays francophones, comme le Québec. Il est cependant très mal représenté dans les dictionnaires.

HE district [distri] n. m.

1. ♦ Subdivision administrative et généralement aussi judiciaire de presque tous les cantons suisses, regroupant plusieurs communes. District administratif. Hôpital de district. Tribunal de district. Police de district. Prisons de district. Recette de district. Conseil de district. Préfet du district. « Il y a un seul homme dans le district de Sierre, c’est Adèle de Preux. » (M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965). ◊ Le Grand(-)District, appellation populaire du district d’Aigle (VD). 2.District franc (fédéral), zone d’interdiction de chasse.

1. Statalisme introduit par la République helvétique en 1798 et maintenu par les législations successives. — 2. Statalisme attesté depuis 1875 (Loi fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux).

HE dix-heures n. m./f. pl. (variante graphique dix heures)

♦ Collation que l’on fait vers les dix heures du matin; mets composant cette collation. De bons, de bonnes dix-heures. Prendre, faire les dix-heures. Aller porter les dix-heures à quelqu’un. « Et elle déballe les provisions devant les ouvriers qui viennent d’interrompre le travail et se réunissent pour les dix- heures. » (D. Baud-Bovy, L’Homme à la femme de bois, 1970). Rem. Particulièrement fréquent dans le contexte scolaire et chez les travailleurs.

□ Première attestation : 1852. Emploi métonymique (l'heure pour désigner le repas).

HE doubler v. tr., v. tr. abs.

(GE, NE, BE) ♦ Doubler une classe, une année, reprendre une année scolaire pour cause d’échec. Doubler sa cinquième année. « Les systèmes scolaires ne lui ont pas permis de surmonter sa dyslexie. Il était considéré comme "bête", a doublé plusieurs classes et perdu confiance en lui. » (Le Nouveau Quotidien, 1995). ◊ (fréquent en emploi absolu) Il va doubler, il a échoué aux examens. Rem. En France, on dit redoubler (une classe).

□ Archaïsme. Ce verbe, autrefois courant en France, s’est maintenu jusqu’à nos jours dans l’usage suisse (et québécois).

HE duvet n. m.

♦ Couette, grand édredon garni de duvet, de plume ou de matières synthétiques analogues, utilisé en guise de drap et de couverture. Duvet léger, duvet lourd, duvet quatre saisons. Duvet nordique, duvet norvégien. Duvet synthétique. Duvet ballon; duvet piqué, surpiqué. Bien au chaud sous son duvet. Aérer un duvet à la fenêtre. « Mais elle a beau remonter le duvet jusqu’aux oreilles et s’enfoncer plus profondément sous les couvertures et serrer ses paupières l’une contre l’autre, le sommeil ne veut pas revenir. » (G. Clavien, Les Moineaux de l’Arvèche, 1962). ◊ (Figuré) Tirer le duvet à soi, de son côté, tirer la couverture à soi, se tailler la part belle.

□ Première attestation : 1745. Mot très répandu dans les patois et le français régional de tout le grand Est galloroman.

HE dzaquillon n. m. (dzakillon, dzakiyon)

(FRIB) ♦ Costume féminin traditionnel dans le canton de Fribourg. Paysannes portant le dzaquillon au cortège. « Vendus par des enfants portant "bredzon et dzakiyon" […], les narcisses d’un blanc acide au cœur de safran ourlé de sang séché s’en sont allés enivrer l’atmosphère étriquée des chambres citadines. » (N. Bosson, Paillache ou la nuit des quatre temps, 1969).

□ Première attestation : 1686. Emprunt au patois.

E

HE école de recrues n. f. (sigle ER)

♦ Période de quinze semaines pendant laquelle les conscrits reçoivent leur instruction militaire. L’école de recrues d’artillerie. L’école de recrues d’aviation, des pilotes. L’école de recrues antichars. Faire l’école de recrues, passer son école de recrues. Un vieil ami, un vieux copain de l’école de recrues. « Son école de recrues terminée, André est revenu, fringant dans son costume militaire en grosse laine grise. » (A. Layaz, Malvallée, 1976).

□ Première attestation : 1874. Statalisme.

HE école enfantine n. f.

♦ École maternelle. Fréquenter l’école enfantine du village. La commission d’école enfantine. « Sera également ouverte à Bienne […] une école normale de langue française assurant la formation d’enseignants d’écoles enfantines. » (24 heures, 1976). ◊ (elliptique) Être en enfantine, être à l’école maternelle.

□ Première attestation : 1870. Création suisse romande, correspondant à école maternelle en France et au Québec et à école gardienne en Belgique.

HE école secondaire n. f.

♦ Établissement d’enseignement secondaire, faisant suite à l’école primaire. L’an prochain, j’irai à l’école secondaire. Maître, maîtresse d’école secondaire. Directeur, directrice d’école secondaire. « Durant la fréquentation des écoles secondaires à Cernier et celle de commerce à Neuchâtel, j’ai connu plusieurs professeurs qui m’ont beaucoup donné. » (M.-F. Schenk, Notre autrefois, 1993).

□ Archaïsme. S’emploie aussi au Québec.

HE écurie n. f.

♦ Bâtiment où l’on abrite, garde et soigne le bétail (en particulier les bovins) à la ferme; étable. Ramener les vaches à l’écurie pour la traite. « […] et je veux pas seulement des vaches, mais des veaux, des chèvres, des moutons, une écurie modèle; vous avez bien compris ? » (G. Clavien, Les Moineaux de l’Arvèche, 1962). ◊ Écurie de chevaux, bâtiment qui n’abrite que des chevaux. L’écurie du cheval. « Ce n’est autre chose qu’une ancienne écurie de chevaux qui servait dans le temps au relais des postes de l’Hôtellerie du Grand-Saint-Bernard. » (24 heures, 1976). ◊ Écurie à cochons, bâtiment qui n’abrite que des porcs; porcherie. « Pendant ce temps, le propriétaire, enfermé dans le box de l’écurie à cochons où se trouvait le porc que l’on voulait tuer, passait à la patte arrière droite une corde faisant nœud coulant […]. » (J. Montandon, Le Jura à table, 1975).

□ Première attestation : 1749. Emprunt au français régional de France, où le mot est attesté avec ce sens sur une très vaste étendue.

HE encoubler v.

1. ♦ (v. tr.) Déranger, importuner, gêner, embarrasser. « Vous avez été vraiment trop gentils pour moi, pendant que j’étais par chez vous à vous encoubler… » (A. Belperroud, Les toutes bonnes du syndic, 1973). ◊ (en emploi absolu) « […] elles qui ne pouvaient plus être utiles à rien et qui "encoublaient" par les maisons. » (A.-L. Chappuis, À petit feu, 1964). 2.s’encoubler (de) v. pron. (tr. ind.). S’embarrasser de. S’encoubler d’un mauvais partenaire. « Il veut pas encore s’encoubler d’une femme qu’il dit […]. » (G. Duttweiler, Joyeusetés de Romandie, 1973). 3.s’encoubler v. pron. (intr.). Trébucher, s’accrocher les pieds dans qqch., s’empêtrer. S’encoubler dans des câbles. S’encoubler contre / sur / à une pierre. Elle s’est encoublée dans le paillasson. Il s’est encoublé aux cartons qui traînaient sur le sol. « Ah ! ces cailloux… et v’lan, en m’encoublant, je me suis trouvé à plat ventre dans l’eau… » (W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959). ◊ (Figuré) Se tromper, faire une erreur, commettre un impair. S’encoubler dans ses mots, dans ses explications, s’empêtrer. S’encoubler dans les paroles d’une chanson, se tromper. Rem. Tous les emplois du mot sont familiers. — L’équivalent du français de référence (au sens 3), trébucher, très fréquent à l’écrit (en particulier dans la littérature), ne parvient pas à s’imposer dans l’usage oral : encoubler reste le terme spontané dans la langue parlée.

□ Premières attestations : 1528 (emcoblez, en parlant de chevaux entravés); 1820 (encoubler « gêner, embarrasser »); 1825 (s’encoubler « s’empêtrer »). Dialectalisme.

HE enfle adj.

♦ Enflé, gonflé; bouffi, boursouflé, tuméfié. Avoir la joue enfle. J’ai trop marché, j’ai les pieds enfles. « Mais une fatigue ! Surtout les pieds. J’aurais marché dans de la braise que ça n’aurait pas été pire. Et enfles, avec ça. » (S. Chevallier, Ces Vaudois!, 1966). Rem. Courant à l’oral; très rare à l’écrit.

□ Premières attestations : 1568 (enffle), 1623 (enfle). Adj. verbal de enfler; type attesté sur une grande partie de la Galloromania, autant dans les patois qu’en français.

F

HE fédéralisme n. m.

♦ Doctrine qui défend l’autonomie des cantons par rapport au pouvoir fédéral. Une victoire du fédéralisme. La défense du fédéralisme. « […] les réseaux [informatiques] en Suisse sont encore difficilement compatibles entre eux, du fait de leurs standards tous différents, ou du fédéralisme qui entrave la circulation des livres entre les divers organismes. » (Le Nouveau Quotidien, 1995).

□ Alors qu’en français de référence le mot fédéralisme a une valeur neutre, les usages linguistiques des États fédérés que sont la Suisse, la Belgique et le Canada lui ont donné par polarisation sémantique des sens particuliers et antonymiques : si en Suisse on l’oppose à centralisme ou à centralisation, au Canada le mot en est venu à désigner une doctrine prônant un gouvernement central fort et s’oppose à indépendantisme, nationalisme, séparatisme ou souverainisme. En Belgique, le fédéralisme est une doctrine qui défend l’autonomie des « Régions » face au gouvernement central.

HE fédéraliste n. m./f. et adj.

♦ Personne qui défend l’autonomie des cantons par rapport au pouvoir fédéral.

□ Adjectif correspondant à fédéralisme (voir ce mot) et ayant subi une spécialisation sémantique parallèle.

HE fion n. m.

♦ Raillerie, moquerie, pique, pointe; allusion ou insinuation blessante, souvent proférée en public. Lancer, flanquer, jeter des fions à qqn. Recevoir des fions. « Il […] lançait le dimanche du haut de la chaire des fions à ses rudes paroissiens, grands amateurs eux-mêmes de coups de langue et de coups de poing. » (M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965).

□ Première attestation : 1793. Il s’agit vraisemblablement du même mot que celui du français de référence; il semblerait que le mot fion ait désigné à l’origine une raillerie subtile, bien tournée. Le sens de « pique, pointe » est abondamment attesté dans le français régional de l’est du domaine galloroman, mais on le connaît aussi au Québec.

HE fourneau n. m.

1. ♦ Poêle servant au chauffage d’une pièce. Dans mon vieil appartement non rénové, il y a encore un fourneau dans chaque chambre pour le chauffage. Fourneau à gaz, à mazout, à bois, à huile, à pétrole. « Il avait plu continuellement, il pleuvait encore, et la maison, malgré les fourneaux, suait comme une cave. » (J.-P. Monnier, La Terre première, 1965). ◊ Fourneau à banc, grand poêle comportant en annexe une surface d’appui où l’on peut s’asseoir au chaud, faire sécher des vêtements ou des chaussures mouillées, etc. « J’ai revu le petit banc qui leur était réservé [aux souliers], dans le coin du fourneau, cette planche où ils se trouvaient pendant que nous dormions. » (J.-P. Monnier, L’Arbre un jour, 1971). ◊ Fourneau de/en pierre (ollaire), de molasse. « Dignement, il a pris dans la cavette du grand fourneau de molasse son sac de grosse toile empli d’avoine ou de noyaux de cerises. » (A. Itten, R. Bastian, En çà… en là!, 1975). ◊ Fourneau-potager, fourneau potager, poêle servant à la fois à chauffer et à faire la cuisine. « Je le trouve à la cuisine, près du fourneau-potager qui ronflait plus fort que le taupier quand il a bu un coup. » (A. Belperroud, Les toutes bonnes du syndic, 1973). 2. (VD, GE, VS) ♦ Four électrique. Se faire cuire une pizza surgelée dans le fourneau.

□ Premières attestations : 1423 (fourno); 1620 (fourneau). Innovation sémantique du français régional.

HE foyard n. m., fayard

1. ♦ Hêtre. Une forêt de foyards. Abattre un fayard. Des foyards au feuillage vert vif. « Ce jour, sous la pluie qui vient de faire leur toilette, mes sapins sont beaux et fiers; […] ils sont lumineux, frais et narguent les foyards à demi gelés, qui, comme des intrus perdus dans un cortège, voudraient s’échapper de leur masse. » (W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959). 2. ♦ Bois de hêtre (souvent destiné au chauffage). Chauffer au foyard. Cinquante stères de foyard en quartiers. Acheter du fayard pour le potager. Un manche en fayard. « Les bois du sommet des coteaux fournissaient de nombreuses essences propres à façonner toutes sortes d’objets aratoires. Les manches étaient en fayard, l’osier poussait tout au long des ruisseaux […]. » (É. Gardaz et al., Le Vin vaudois, 1975). Rem. L’équivalent du français de référence, hêtre, est aussi connu et employé en Suisse romande, en particulier dans la littérature, où il s’avère beaucoup plus fréquent que foyard / fayard.

□ Premières attestations : 1746 (foyar); 1764 (fayard). Emprunt au français régional des départements français voisins; type dérivé en -ard sur un représentant du latin fagus.

G

HE galetas n. m.

♦ Local servant de débarras sous les combles; grenier. Appartement à louer avec cave et galetas. « Horst feuilletait des partitions, penché sur un petit piano à queue, que je n’avais pas remarqué jusque-là : le Bluthner de Maria, me dit Bruno, que Horst avait descendu du galetas en pièces détachées et qu’il avait mis deux jours pour accorder. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974). Rem. En français de référence, galetas est défini comme un « logement pratiqué sous les combles (vieux) » ou, au sens moderne, un « logement misérable, sordide ». Ces sens n’ont pas vraiment cours en Suisse romande.

□ Première attestation : 1541. Archaïsme-dialectalisme.

HE gentiment adv.

♦ Lentement, sans hâte; graduellement, peu à peu; doucement, calmement, paisiblement. Gentiment mais sûrement. Skier gentiment. Le travail a repris gentiment. Faites gentiment revenir l’oignon dans le beurre. Le vent souffle gentiment sur le lac. Comment ça va? – Tout gentiment! « La dette se résorbe gentiment » (La Presse, 1994).

□ Innovation sémantique, également connue en Belgique.

HE giratoire n. m.

♦ Point d’intersection de plusieurs routes en forme de cercle dans lequel les véhicules s’engagent, en respectant la priorité de gauche, et tournent pour prendre la route désirée, ce système permettant une plus grande fluidité du trafic; rond-point. S’engager dans un giratoire; la sortie d’un giratoire; un giratoire à une, deux, trois pistes. « Le giratoire présente de multiples avantages, dont celui d’accroître la sécurité et la fluidité de la circulation. » (Courrier neuchâtelois, 1993). Rem. Très usuel; plus courant que rond-point dans l’usage oral ainsi que dans la presse.

□ Innovation d’apparition relativement récente, relevée aussi à l’occasion en France mais qui n’a pas encore été prise en charge par la lexicographie française. Substantivation de l’adj. giratoire, vraisemblablement à partir de la lexie composée carrefour giratoire.

HE 1. gonfle n. f.

I.1. ♦ Amas de neige soufflée par le vent; congère. La voiture est restée bloquée dans une gonfle. Le vent a fait des gonfles sur la route. Après une grosse tempête de neige, les enfants aiment s’amuser dans les gonfles. « Une bise extrêmement forte a soufflé jusqu’à hier matin sur le pays de Vaud et a accumulé des "gonfles" qui ont coupé de nombreuses routes secondaires et même de grandes artères. » (Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 1980). I.2. ♦ (Figuré) Embarras; affaire compromettante, situation fâcheuse. Être dans la gonfle. Se foutre dans une belle gonfle. Se sortir de la gonfle. « Enfin, il m’a dit qu’il pourrait éventuellement m’aider à sortir de cette gonfle. » (F. Clément, Les Vaches enragées, 1993). II. ♦ Bulle, petit renflement (par exemple dans de la pâte); boursouflure, ampoule sur la peau. « Pour être bien réussies, les "salées" doivent être feuilletées et avoir des "gonfles". » (M. Vidoudez, J. Grangier, À la mode de chez nous, 1976).

□ Premières attestations : I 1, 1537 (gonfle de nyge), puis 1864; I 2, 1918; II, 1820. I est le représentant moderne d’un déverbal du latin conflare; II est un déverbal de gonfler. Dialectalisme.

HE 2. gonfle adj.

1. ♦ Gonflé, enflé. Avoir les doigts, les pieds, les jambes gonfles. On voit qu’elle a pleuré, elle a les yeux tout gonfles. Il est revenu de chez le dentiste avec la joue gonfle. 2. ♦ Ballonné; qui souffre d’aérophagie ou de flatulences. J’ai mangé trop et trop vite : je me sens gonfle, j’ai l’estomac tout gonfle. Quand on mange beaucoup de haricots, on devient tout gonfle. ◊ (en particulier) Qui souffre de météorisme (bovins). La vache est gonfle de trèfle. 3. ♦ (Figuré) Ivre. Rem. Courant à l’oral; très rare à l’écrit.

□ Déjà attesté en SR au XVIe siècle. Adjectif verbal de gonfler.

HE gouille n. f.

1. ♦ Flaque d’eau. Piaffer dans une gouille; enjamber, camber une gouille. Après une pareille roillée [« très forte averse »], il y aura des gouilles partout. La voiture est passée à toute vitesse dans une gouille et m’a giclé. 2. ♦ Mare, petit plan d’eau; trou d’eau dans le lit d’une rivière. Les vaches viennent s’abreuver dans cette gouille. Un baigneur s’est noyé dans cette gouille. « C’est pourquoi, lorsque des défenseurs de l’environnement viennent me dire : vous devez protéger cette gouille, il y a encore des roseaux et des grenouilles, j’en tiens compte. » (Femina, 1977). ◊ (en particulier) Étang aménagé pour la pêche. On peut pêcher la truite dans cette gouille. « la gouille des Vernay accueille la coupe suisse de pêche à la truite » (Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 1978). ◊ (en particulier) Aménagement à certains endroits du cours d’un torrent pour limiter la force du débit (VS). « depuis l’extrémité d’une plaine glaciaire qui s’effondrait en labyrinthe de gouilles et de torrents, on se rapprochait inexorablement d’une sorte de cassure, d’un roc aux proéminences de plus en plus sèches » (M. Chappaz, La haute route, 1974). ◊ (s’emploie aussi plaisamment pour désigner de grandes étendues d’eau : le lac Léman, la Méditerranée, l’Atlantique, etc.) La grande gouille. « Bien que chez nous l’on vive loin des océans, il se trouve presque toujours un ancêtre barbu et couperosé qui, un jour très loin dans le passé, a traversé la "gouille". » (N. Bosson, Paillache ou la nuit des quatre temps, 1969).

□ Premières attestations : gollye « eau que l’on faisait boire aux suppliciés » (Lausanne 1368); latin médiéval gollia « fossé, mare » (1502); français moderne gouille (1750). Dialectalisme; type attesté dans les dialectes galloromans du Centre-Ouest, du Centre et du Centre-Est.

HE gouttière n. f.

♦ Fente, fissure ou trou dans une toiture ou un plafond, par où s’écoulent les eaux de pluie (ou de neige fondue); eau qui s’en écoule. Réparer les gouttières. « Elle en avait connu de ces chalets loués dont les portes et les fenêtres ne ferment pas, tant le bois […] a travaillé et qui ont des gouttières plein les toitures. » (C. Bille, Forêts obscures, 1989). Rem. En français de référence, gouttière désigne un canal fixé au bord inférieur des toits pour recueillir les eaux de pluie; le mot est aussi connu avec ce sens en Suisse romande, mais il est concurrencé par chen(e)au.

□ Première attestation : 1458 (gotyere). Dialectalisme.

HE grand-maman n. f.

♦ Mère du père ou de la mère, grand-mère. Comment va ta grand-maman? Sa grand-maman a eu nonante ans le mois dernier. Ma grand-maman m’a tricoté une jaquette. La bonne cuisine des grands-mamans. « A la ferme, été comme hiver, c’était grand-maman la première debout, avant Damien, avant Frédéric. » (G. Clavien, Châtaignerouge, 1977). Rem. Dans la langue littéraire, grand-mère est beaucoup plus fréquent; grand-maman, bien que surtout employé à l’oral, n’est toutefois pas limité au langage enfantin et peut aussi s’employer entre adultes, mais avec une connotation affective et familière.

□ Premières attestations : 1670 (Molière); 1762 (J.-J. Rousseau). Archaïsme qui s’est aussi bien maintenu au Québec.

HE grand-papa n. m.

♦ Père du père ou de la mère, grand-père. Des grands-papas gâteau. Être plusieurs fois grand-papa. Il est l’heureux grand-papa de huit petits-enfants. Grand-papa, j’ose avoir un fondant? « Grand-papa a tort de vouloir vendre cette maison… » (Y. Z’Graggen, Chemins perdus, 1971). Rem. Dans la langue littéraire, grand-père est beaucoup plus fréquent, mais grand-papa domine à l’oral, en contexte familier et affectif.

□ Premières attestations : 1680 (en France); 1761 (J.-J. Rousseau). Archaïsme encore en usage au Québec.

HE gribiche n. f.

(VD, VS, GE, NE) ♦ Femme acariâtre, méchante; chipie, pimbêche. Espèce de vieille gribiche! « Victorine Magnenat, une fille de chez nous, servit un certain temps chez cette gribiche. » (A. Belperroud, Les toutes bonnes du syndic, 1973). Rem. Semble tomber peu à peu en désuétude.

□ Première attestations : 1827. Type lexical attesté sur une grande partie de la France, mais qui est toujours resté cantonné à un registre très populaire. Aussi bien connu au Québec.

HE grimpion, -ionne n. m., f.

1. ♦ Personne ambitieuse, arriviste (dans la vie sociale, dans l’administration, dans l’armée, etc.). Ce politicien, un vrai grimpion! « La politique grouille de grimpions. C’est une échelle de corde, avec des ouistitis qui se chahutent en bas et quelques gorilles se disputant le dernier échelon tout en haut ! » (La Suisse, 1993). 2. (BE, JU) ♦ Petit enfant qui grimpe partout.

□ Premières attestations : 1820 (avec le sens de « grimpereau », espèce d’oiseau grimpeur); 1829. Dérivé de grimper (suffixe ‑ion).

HE gymnase n. m. (Gymnase)

♦ Établissement d’enseignement secondaire supérieur, dont la fréquentation fait suite à celle de l’école secondaire, se termine par les examens de maturité et permet l’accès à l’université. Aller, être, étudier au gymnase. Commencer, faire, terminer son gymnase. Être en première, dernière année de gymnase. Maître, professeur de gymnase; directeur, directrice de gymnase. Le Gymnase cantonal. L’aula du gymnase. L’époque du gymnase. « […] du point de vue culturel […] pour beaucoup, le gymnase restera la période d’apprentissage la plus riche et la plus féconde. Et cela précisément parce qu’elle n’est pas encore spécialisée, mais parce qu’elle a pour vocation d’ouvrir des fenêtres à la curiosité de l’esprit. » (L’Hebdo, 1993). ◊ (par métonymie) Édifice abritant cette institution. Le chemin du gymnase; les salles, le hall du gymnase. Aller à pied au gymnase. Se donner rendez-vous devant le gymnase. « D’un côté, le gymnase tout neuf, de l’autre, le chalet à toit de bardeaux […]. » (La Gruyère). Rem. Le mot n’est jamais employé (et est très peu connu) en Suisse romande avec le sens du français de référence (« établissement et salle où on se livre à des exercices sportifs »); dans ce sens, on dit halle de gymnastique ou salle de gymnastique.

□ Première attestation en Suisse romande : 1829. Emprunt (avec adaptation) à l’allemand Gymnasium n. n., de même sens.

HE gymnasial adj.

♦ Relatif au gymnase. Les études gymnasiales; le programme gymnasial de français; l’enseignement gymnasial. Au niveau gymnasial. « En 1970, elle quitte ses études gymnasiales, n’ayant décidément pas assez d’affinités avec les maths et préférant ses crayons à l’algèbre. » (Bouquet, 1977).

□ Dérivé en -ial de gymnase (voir ce mot) par analogie avec collège / collégial, ou emprunt à l’allemand gymnasial adj.

HE gymnasien, -ienne n. m., f.

♦ Étudiant au gymnase. Une classe d’une vingtaine de gymnasiens. Le voyage d’études des gymnasiens. « Les premiers gymnasiens de l’après-midi commencent à les relayer par petites troupes rieuses, ils s’asseyent et allument des cigarettes, commandent des cafés, les garçons passent le bras au cou des filles. » (J. Chessex, L’Ogre, 1973).

□ Première attestation : 1865. Dérivé en -ien, -ienne de gymnase.

H

HE herbettes n. f. pl.

♦ Herbes aromatiques employées en cuisine pour agrémenter la saveur des mets; fines herbes. Des herbettes pour la soupe, la salade. Une omelette aux herbettes. La soupe aux herbettes. Hacher des herbettes. Faire pousser des herbettes sur son balcon. Le persil, le basilic, la sauge et l’origan sont des herbettes. « Là, il fignolait, avait des trucs et des trouvailles, dispensait avec une sobre passion épices et herbettes. » (N. Bouvier, L’Usage du monde, 1963). Rem. En français de référence, herbette (au singulier) désigne de l’herbe courte et fine; cet emploi ne semble pas courant en Suisse romande.

□ Première attestation : 1807. Des dérivés de herbe en -ette ont été relevés çà et là dans les dialectes du sud de la France, où ils désignent différentes herbes aromatiques; herbettes « fines herbes » est attesté dans le français régional des provinces françaises les plus méridionales (Languedoc, Pays Aquitains).

HE huitante adj. numéral cardinal inv.

(VD, VS, FRIB) ♦ Huit fois dix, quatre-vingt(s). Elle doit faire dans les huitante ans. Les années huitante. Il pèse huitante kilos et mesure un mètre huitante. Une bouteille de champagne à huitante francs. « Huitante coiffeurs se sont retrouvés hier à Lausanne pour disputer un concours national de coiffure nommé les Boucles du Léman. » (Le Matin, 1994). ◊ (en composition) Mil neuf cent huitante-cinq. Huitante mille. Huitante-neuf pour cent.

□ Premières attestations : 1528 (vuytante); 1584 (huictante); 1808 (huitante). Archaïsme-dialectalisme (type bien attesté en moyen français et français moderne ainsi que dans les parlers romands).

I

HE imperdable n. f.

(VD, VS, FRIB; sporadiquement NE) ♦ Épingle de sûreté, épingle de nourrice. Mon bouton a sauté, t’aurais pas une imperdable?

□ Première attestation : 1956. Innovation romande; substantivation de l’adjectif imperdable « qui ne peut se perdre », probablement à partir du syntagme non attesté *épingle imperdable, d’où le genre féminin.

HE inalpe n. f.

(VS) ♦ Montée des troupeaux de bovins (parfois aussi d’ovins et de caprins) dans les pâturages de haute montagne, au début de la saison chaude. ► L’inalpe se caractérise en particulier par des combats entre les vaches (race d’Hérens); ces luttes ont pour fonction d’établir, en début de saison, la hiérarchie interne au groupe, et sont fiévreusement suivies par les propriétaires, qui espèrent tous assister au triomphe de l’une de leurs protégées. Le jour de l’inalpe. L’inalpe a généralement lieu en juin. « C’est le samedi 26 juin qu’aura lieu à Tracuit, sur le Vercorin, l’inalpe où se trouveront également les passionnés et amoureux de la belle et noble race d’Hérens. » (Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 1976).

□ Première attestation : 1900. Déverbal de inalper, verbe qui ne se rencontre plus guère dans l’usage contemporain en français régional de Suisse romande.

HE intercantonal adj.

♦ Qui appartient à, qui relève de, qui concerne plusieurs cantons; qui se rapporte aux relations entre cantons. Accord intercantonal. Assistance judiciaire intercantonale. Association intercantonale. Collaboration intercantonale. Comité intercantonal. Commission intercantonale. Concordat intercantonal. Concours intercantonal. Concurrence intercantonale. Loterie intercantonale. Péréquation intercantonale. Pourparlers intercantonaux. Responsables intercantonaux.

□ Première attestation : 1863. Néologisme, composé de l’élément de formation inter- « entre » et de l’adjectif cantonal, sur le modèle de intercommunal, interrégional, international, etc.

L

HE locatif adj., n. m.

I. 1 ♦ (adj.) Que l’on peut louer (d’une habitation individuelle). « Vacansoleil a encore quelques caravanes locatives disponibles dans deux beaux campings avec plage de sable durant août, septembre au bord du lac Majeur […]. » (Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 1976). I. 2 ♦ (adj.) Dont les appartements sont destinés à la location (d’un immeuble à fonction entièrement ou partiellement résidentielle). Maisons, villas locatives. Blocs, immeubles, bâtiments locatifs. Édifice locatif et commercial. « La lueur des blés s’éteignait d’un seul coup sous le poids des blocs locatifs, et les mêmes bulldozers et pelles mécaniques servaient à l’arrachement des derniers vergers, des vignes et de tout ce qui pouvait porter herbe ou feuille. » (C. Bille, La Demoiselle sauvage, 1974). ◊ (par extension) Qui réunit plusieurs immeubles locatifs (d’une agglomération). Groupe locatif, village locatif, îlot locatif. « […] ensuite le corset d’usines va s’épaissir, la mer s’évade mais on a littéralement creusé des trous de verdure et caché des villages locatifs avec leurs églises. » (M. Chappaz, L’Océan, 1993). II. ♦ (n. m.) Grand immeuble à fonction résidentielle dont les appartements, en général très nombreux, sont destinés à la location. Complexe de locatifs. Habiter un locatif subventionné. Vivre dans un studio au quatrième étage d’un locatif. « En attendant les futurs locatifs, les vergers sont gras et touffus, peignés par le vent. » (M. Chappaz, J.-M. Lovay, La Tentation de l’Orient, 1970).

I. Régionalisme de fréquence. Non inconnu en France, cet emploi est beaucoup plus fréquent en Suisse romande. — II. Innovation romande; substantivation de l’adj. (au sens traité ci-dessus I 2).

HE logopédiste n. m., f. (plus rarement logopède)

♦ Pédagogue de formation universitaire spécialisé dans le diagnostic et le traitement des difficultés d’élocution et autres troubles du langage, en particulier chez l’enfant et l’adolescent; orthophoniste. Il est dyslexique, on ferait mieux de l’envoyer chez le logopédiste. La logopédiste a soigné son bégaiement. Rem. L’équivalent orthophoniste est aussi connu en Suisse romande.

□ Innovation; dérivé de logopédie n. f. « traitement qui vise à corriger les défauts de prononciation chez les enfants ».

HE lutrin n. m.

♦ (musique) Support en métal ou en bois, souvent léger et pliable, de hauteur réglable, composé d’un pied et d’un plateau inclinable avec un rebord sur sa partie inférieure, permettant à l’interprète d’y poser ses partitions. Un lutrin de musicien; poser sa partition sur un lutrin; plier, déplier un lutrin; ne pas lever les yeux du lutrin. « Les chanteurs sont groupés au fond de l’église, derrière la table de communion où se dresse une croix nue, les deux violonistes assis à droite, devant leur lutrin, leur instrument sur les genoux. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974). Rem. Régionalisme inconscient et non relevé dans la lexicographie. Les sens du français de référence sont également connus en Suisse romande. — L’équivalent du français de référence, pupitre (dans le domaine musical), est également connu en Suisse romande mais moins courant; il désigne surtout le pupitre du chef d’orchestre.

□ Première attestation (avec ce sens, en Suisse romande) : 1946. L’existence du mot dans de nombreux pays francophones (Suisse, Belgique, Canada) laisse supposer qu’il s’agit d’un archaïsme du français commun, jamais pris en charge par la lexicographie française générale.

M

HE meilleur temps de (avoir–) loc. verb.

♦ Avoir intérêt à, avoir avantage à, être plus avisé de. C’est un peu loin, il a meilleur temps de prendre le tram. T’as meilleur temps de te taire, sinon gare à toi! J’aurai meilleur temps de le faire moi-même. T’as meilleur temps de te reposer maintenant, il est préférable que tu te reposes maintenant, tu ferais mieux de te reposer maintenant. « Si je dois passer un quart d’heure à lui expliquer ce que je fais en cinq minutes, j’ai meilleur temps de le faire moi-même. » (Domaine Public, 1994).

□ Première attestation : 1727-28. Formation comparative faite sur la locution verbale avoir bon temps « être dans une situation agréable », bien attestée en français central jusqu’au XVIIIe siècle et en Suisse romande jusqu’au XXe.

HE mitaine n. f.

♦ Pièce d’habillement en laine, cuir ou tissu imperméable couvrant la main, sans séparations pour les doigts à l’exception du pouce, que l’on porte à la saison froide. Une paire de mitaines. « je suis votre fiancée d’hiver; celle des cheveux bonnets de laine, celle des mitaines. » (A.-L. Grobéty, La Fiancée d’hiver, 1984). ◊ (terme de hockey sur glace) Gant du gardien de but. Rem. Mot connu de façon sporadique, fortement concurrencé par moufle, son équivalent du français de référence. — Selon la lexicographie française, le mot mitaine désigne un gant qui laisse à nu les deux dernières phalanges des doigts; cet emploi est plutôt mal connu en Suisse romande.

□ Archaïsme. Emploi usité en français général jusqu’au milieu du XXe siècle et encore bien vivant au Québec.

HE morbier n. m.

♦ Grande horloge de parquet à balancier, en bois, recherchée pour la beauté de ses cadrans, moulures et ferrures. Morbiers anciens restaurés. Morbier du XVIII e . Morbier Louis XV, Louis XVI. Morbier franc-comtois. Morbiers neufs vieillis à la cire et patinés à la main. Morbiers en bois massif sculptés à la main. Morbier en noyer, en acajou. Un mouvement, un cadran, un balancier de morbier. « Traversent la nuit ce glouglou ambulant des morts et le tic-tac des morbiers. » (M. Chappaz, À rire et à mourir, 1983). Rem. Correspond au terme du français de référence horloge comtoise ou simplement comtoise, plutôt inusité en SR.

□ Première attestation : environ 1840. Désignait à l’origine des pendules produites à Morbier, petite localité du Jura français.

HE musique à bouche n. f.

♦ Harmonica. Jouer de la musique à bouche. Joueur de musique à bouche. « les garçons avaient une musique à bouche dans la poche de leur veston. » (M. Zermatten, Les Sèves d’enfance, 1968).

□ Première attestation : 1907. Connu ailleurs dans la francophonie, entre autres au Québec. Pourrait être né à partir d’emplois du mot musique désignant n’importe quel instrument ou un instrument en particulier; usage bien attesté dans plusieurs parlers galloromans.

N

HE nonante adj. numéral cardinal inv.

♦ Neuf fois dix, quatre-vingt-dix. Les années nonante. Nonante pour cent. Un grand gaillard d’un mètre nonante. Elle a encore engraissé, elle doit bien faire dans les nonante kilos. Grand-maman a fêté ses nonante ans. « vous auriez l’idée, vous, de rouler à plus de nonante kilomètres-heure sur une route de campagne mouillée où sont collées des liasses de feuilles mortes gluantes […]. » (A.-L. Grobéty, Pour mourir en février, 1970). ◊ (en composition) Nonante-cinq francs. Mille neuf cent nonante-neuf. — L’équivalent du français de référence, quatre-vingt-dix, est assez fréquent dans la littérature, et d’apparition sporadique dans les médias; dans l’usage oral, scolaire et administratif, en revanche, on ne le rencontre presque jamais.

□ Première attestation : 1536. Archaïsme; dans l’usage central, le mot commence à reculer dès le XVIe s. devant quatre-vingt-dix.

O

HE oser v. tr.

1. ♦ Avoir la permission de, avoir le droit de, être autorisé à, pouvoir (dans des tournures interrogatives où l’on sollicite une permission, où l’on s’enquiert de la possibilité de se livrer à une activité quelconque). Maman, j’ose avoir des bonbons? On ose faire du snowboard dans cette station? « Est-ce qu’on ose dire des bêtises au confessionnal ? Sûrement pas… » (A. Maillard, C’était au milieu du siècle, 1977). 2. ♦ (dans des tournures négatives) ◊ On n’ose pas, il est défendu de, on n’a pas le droit de. Dans les locatifs, on n’ose pas faire de bruit après dix heures du soir. « les chiens et les chats n’osent plus errer et […] il est interdit de les faire entrer ou sortir de la zone d’infection. » (Journal du Jura, 1976). ◊ Ne pas oser, ne pas pouvoir se permettre de. Il n’ose pas perdre, il ne faut pas qu’il perde, il ne peut pas se permettre de perdre. « La Suisse affrontera la France […] dans un match qu’elle n’ose absolument pas perdre. » (L’Express, 1993). ◊ Ne pas oser, avoir intérêt à ne pas, ne pas devoir. On n’ose pas mettre d’ustensiles en métal dans les fours à micro-ondes, il ne faut pas, on ne doit pas, il est recommandé de ne pas, il est déconseillé de. ◊ (en parlant d’inanimés) Qqch. n’ose pas + infinitif passif, on n’a pas le droit de + infinitif actif + qqch. Les dictionnaires n'osent pas être empruntés, on n'a pas le droit d'emprunter les dictionnaires. Rem. Emplois critiqués, mais extrêmement fréquents dans l’usage oral de toute la Suisse romande. Les écrivains doivent toutefois être conscients du caractère non normatif de cet usage, car on ne le rencontre guère dans la littérature. — Le mot est bien sûr aussi employé en Suisse avec le sens qu’il a dans les autres pays francophones (« se risquer à, avoir l’audace de »).

□ Première attestation : 1724. Il semble bien s’agir d’un germanisme, également attesté en français d’Alsace; il a en outre été relevé à Metz et dans l’est de la Wallonie. Cet emploi de oser reproduit une partie des sens de l’allemand dürfen (alors que oser avec le sens de « se risquer à, avoir l’audace de » correspond plutôt à l’allemand wagen).

P

HE palée n. f.

♦ Poisson des lacs de Neuchâtel, Bienne et Morat (famille des salmonidés, genre des corégones – Coregonus Schinzii), pêché pour sa chair très appréciée. La pêche à la palée. Palée neuchâteloise, palée au gratin, palée en sauce, palée au vin blanc. Filets de palée sauce neuchâteloise. « Les ichtyologistes, savants mais pas toujours gourmets, vous diront que la palée neuchâteloise et la féra du lac Léman sont en réalité un seul et même poisson. C’est peut-être vrai sur le plan zoologique, ça ne l’est en aucun cas sur celui de la gastronomie. » (M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973).

□ Premières attestations : latin médiéval palatea (1150), ancien français palaes (1346), moyen français palaie (1361), pellée (1398) et palée (1409). Représentant local d’un type attesté en Suisse romande d’une part, dans le bassin méditerranéen d’autre part (en provençal, catalan, sicilien, napolitain, etc.), remontant au latin pelaica, lui-même à rattacher à pelagicus adj. « relatif à la mer ».

HE pendulaire adj.; n. m., f.

♦ (Personne) qui fait la navette tous les jours (en tram, en train, en car postal ou avec sa voiture) d’une commune à une autre entre sa résidence et son lieu de travail ou d’études. Travailleurs pendulaires. Les pendulaires créent des embouteillages sur l’autoroute à l’heure de pointe. Tarifs spéciaux pour les pendulaires. « Il serait intéressant d’établir une statistique sur les "pendulaires" venus de la périphérie, qui chaque jour occupent un espace public pour garer leur voiture pendant leur travail à Fribourg. » (La Liberté, 1983).

□ L’emploi spécialisé du français de Suisse romande a sans doute été influencé par l’allemand Pendler, -erin n. m., f., de même sens; mais d’autre part, pendulaire n’est pas absolument inconnu en France.

HE peser v. intr.

♦ Appuyer, presser (sur un bouton, une touche, un interrupteur). Peser sur le bouton de l’ascenseur. Peser sur les touches du téléphone, de la télécommande, du clavier. (Figuré) « Il y a des subsides, des aides, des fondations, on trouve toujours, il suffit de peser sur le bon bouton. » (J. Chessex, Où vont mourir les oiseaux, 1980).

□ Première attestation : 1946. Extension d’emploi à partir du français moderne peser sur, contre « appuyer fortement, exercer une poussée, une pression ». L’emploi suisse romand s’en distingue en ce qu’il n’implique pas une idée de force. Emploi également bien attesté au Québec.

HE petits fruits n. m. pl.

♦ Baies comestibles (airelles, cassis, fraises des bois, framboises, groseilles, mûres, myrtilles). Confiture de petits fruits. Thé aux petits fruits. Yoghourt aux petits fruits. Aller aux petits fruits. Cueillir, ramasser des petits fruits. « Je la voyais ramasser en hâte tous les petits fruits qu’elle pouvait trouver. Son œil exercé savait les dénicher dans leurs cachettes de mousse et de feuilles. » (A. Rivaz, L’Alphabet du matin, 1968). Rem. En France, on dit fruits rouges.

□ Première attestation : 1911. Innovation suisse romande, aussi connue (de façon indépendante) au Canada.

HE planton n. m.

♦ Jeune plant (de fleurs d’ornement, de plantes potagères, d’arbustes fruitiers) destiné à être repiqué. Plantons à repiquer. Plantons et semences à vendre. Des plantons d’asperges, de bégonias, de betteraves, de choux, de fraisiers, de framboisiers, de tomates. 600 kg de plantons de pommes de terre à vendre. « A la campagne, on voit tous les jours la semence devenir planton, et le planton plante. » (S. Chevallier, Le Silence de la terre, 1961).

□ Première attestation : environ 1770. Suffixé formé sur plant, avec suffixe -on à valeur diminutive.

HE plot n. m.

I. 1. ♦ Billot ou tronc pour fendre du bois. Un plot de sapin. S’asseoir sur un plot. Des plots en guise de sièges. « Je montais à son appartement couper du bois sur un petit plot. Elle m’encourageait […]. » (J. Chessex, Reste avec nous, 1967). ◊ (spécialement) Billot pour tuer les volailles dans une basse-cour. ◊ dormir comme un plot loc. verb. Dormir très profondément (confer français de référence comme une bûche). I. 2. ♦ Bille de longueur moyenne, sciée ou non en planches. Vendre du bois en plots. ◊ (vieilli) Cales sur lesquelles repose une voiture entreposée pour l’hiver, pour éviter de fatiguer les pneus. ◊ (moderne) Structure portante sur laquelle repose un véhicule automobile entreposé ou en réparation. Mettre sa voiture sur les plots. II. ♦ Billot de boucherie, grosse pièce de bois sur laquelle on débite la viande. Plot de boucherie. ◊ (par métonymie) Travail du boucher consistant à débiter la viande sur ce billot. Boucher connaissant bien le plot. Garçons bouchers demandés pour le plot.Garçon de plot, boucher de plot, garçon étalier. ◊ Service au plot, service à la clientèle directement à l’étal. III. ♦ Grosse brique de ciment, de béton; parpaing. Une maison moderne en plots. Des plots dans le parking, sur le bord de la route. « un mirage qui vous fait croire que c’est autrement mieux d’habiter une maison en plots, sur le modèle de milliers d’autres, mais neuve, qu’une vieille ferme aux murs épais et plusieurs fois centenaires » (G. Clavien, Le Partage, 1976). ◊ (Figuré) Objet lourd et massif. « L’homme formait un plot de graisse. » (M. Métral, Un Jour de votre vie, 1976). IV. ♦ Bloc de jeu de construction pour enfants. Des petits plots en bois vernis. Des plots de construction. Des plots en plastique. Jouer aux plots. Faire un château avec des plots de toutes les couleurs. « Comme un château de plots : que l’on vienne à en retirer un, même minuscule, et voilà que tout s’écroule. » (Y. Z’Graggen, Chemins perdus, 1971). V. ♦ Tas de cartes dans lequel les joueurs puisent à tour de rôle, dans certains jeux de cartes et divers jeux de société; talon. Prendre une carte dans le plot. VI. ♦ Tête, crâne. Avoir mal au plot. Mets-toi bien ça dans le plot!(se) miner le plot loc. verb. (pron.). (Se) casser la tête. « En attendant une réponse, il ne reste plus qu’à se miner le plot ! » (La Liberté, 1993). Rem. En français de référence, plot est réservé à des emplois techniques divers, qui se caractérisent par la multiplicité de leurs champs d’emplois.

□ Régionalisme de l’est galloroman, attesté dès l’ancien (1290) et le moyen français ainsi que dans de très nombreux parlers modernes avec divers sens plus ou moins techniques, dont celui de « billot » est le plus fréquent; comme c’est souvent le cas avec les régionalismes de grande extension, le mot est passé à la langue commune dans de nombreux emplois techniques spécialisés mais ne fait pas vraiment partie de la langue courante, en particulier dans la moitié occidentale de la France (ni du reste en Belgique ou au Canada). En français régional de France, il est toutefois très bien représenté dans l’est du pays, essentiellement avec les sens de « billot (pour le bois ou pour la viande) » et « tabouret ». I 1 est attesté en Suisse romande depuis 1409 (dans un texte en latin) et 1552 (dans un texte en français). La locution dormir comme un plot est attestée pour sa part depuis 1820. I 2 : depuis 1862. II : depuis 1566. III : depuis 1863. IV : depuis 1902. V n'est pas documenté à date ancienne. VI : depuis 1921.

HE potager n. m.

1. ♦ Fourneau de cuisine traditionnel chauffé au bois (ou au charbon, aux briquettes, etc.). Potager à bois. Potager émaillé. Potager neuchâtelois traditionnel. Astiquer les cuivres du potager. « Le mobilier était réduit au strict nécessaire et sa pièce la plus utile, la plus précieuse, était représentée par le potager qui engloutissait les chutes de bois que rapportaient à la maison sur un petit char, les cousins. » (G. Borgeaud, Le Voyage à l’étranger, 1974). ◊ (en composition) fourneau potager. « Le fourneau potager de fonte luisait, frotté d’huile; la table et le buffet de sapin dégageaient encore cette odeur âcre d’humidité des meubles brossés au savon noir. » (C. Bille, La Fraise noire, 1968). 2. (VD nord-est, VS sporadiquement, FRIB, NE, BE, JU) ♦ Cuisinière (électrique ou au gaz). Potager à gaz, potager électrique. Baisser le feu du potager.Potager combiné, cuisinière fonctionnant au bois et à l’électricité. Rem. Au sens 1, vieilli (le mot et la chose). — Au sens 2, on dit aussi cuisinière.

□ Première attestation : 1769. Au sens 1, archaïsme, encore maintenu dans maintes régions de France. Au sens 2, l’emploi suisse romand est une innovation non relevée ailleurs.

HE pousse-pousse n. m. inv.

♦ Petite voiture d’enfant, le plus souvent pliante, constituée d’un siège suspendu à un châssis muni de roulettes, et que l’on pousse devant soi. Pousse-pousse pliable. Pousse-pousse pour jumeaux. Pousse-pousse canne, à deux montants parallèles en forme de canne. Pousse-pousse jouet, pour poupée. « Il faut te porter sur nos épaules, Blaise, et remorquer le pousse-pousse. » (C. Bille, Le Mystère du monstre, 1967). Rem. En français de référence, le mot est défini comme une « voiture monoplace légère à deux roues, tirée par un homme, en usage en Extrême-Orient ». Ce sens est également connu en Suisse romande. — L’objet appelé pousse-pousse en Suisse romande est appelé poussette en France. Ce mot désigne un autre référent en Suisse (voir poussette ci-dessous).

□ Archaïsme. Également usité au Québec.

HE poussette n. f.

♦ Petite voiture d’enfant constituée d’un châssis souvent pliable monté sur quatre roues, muni d’un guidon et d’une caisse suspendue recouverte d’un toit dépliant, dans laquelle on promène le nourrisson en position couchée. Poussette démontable. Poussette pour jumeaux. Le bébé dort dans sa poussette. Aider une maman à monter la poussette dans le tram. « Moi j’étais dans la poussette, je ne voyais que les arbres, les branches des arbres et la figure de ma mère, bien sûr […]. » (J. Chessex, Où vont mourir les oiseaux, 1980). ◊ (par plaisanterie) Fauteuil roulant. ◊ Poussette de poupée, jouet en forme de poussette miniature. Rem. Correspond à ce que l’on appelle landau en France. Le mot poussette y désigne une voiture où l'enfant est assis (ce qu’on appelle justement pousse-pousse en Suisse).

□ 1896. Innovation sémantique romande.

HE pression n. f.

Pression artérielle, sanguine (ou, par ellipse, pression), force exercée sur la paroi des artères par le sang qui y circule. Prendre, mesurer la pression. Aller faire contrôler sa pression. « Elle s’en versera un deuxième verre [de vin], "à cause de la pression". Le docteur lui a dit que "ça la remonterait". » (A. Layaz, Malvallée, 1976). ◊ (par extension) Hypertension. Faire de la pression.

□ Bien que pression artérielle figure dans plusieurs dictionnaires français, l’usage en France privilégie tension artérielle. Au Québec, en revanche, pression est d’un emploi courant, tout comme en Suisse. D’un point de vue physiologique, la pression et la tension ne sont en fait que les deux faces d’un même phénomène.

HE prétériter v. tr.

1. ♦ Léser, causer du tort à, porter préjudice à. Prétériter la croissance, le développement. Prétériter un client. Prétériter une région. « Les Genevois sont fort mécontents de cette réduction qui prétérite Cointrin par rapport à Kloten. » (Gazette de Lausanne, 1982). ◊ (fréquent dans des tournures passives) « Nous espérons que le Conseil d’Etat pourra infirmer nos craintes, faute de quoi notre agriculture neuchâteloise serait prétéritée par rapport à celle d’autres cantons. » (Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, 1972). 2.prétérité, -ée part. passé-adj. Qui a subi un préjudice; lésé. Intérêts prétérités. Industries prétéritées par la hausse du franc. Se sentir prétérité. La partie prétéritée d’une région. Être prétérité, subir un préjudice. « Mesures de relance au Conseil des Etats : la Suisse romande est-elle prétéritée ? » (Gazette de Lausanne, 1976). ◊ Défavorisé (personne). Les membres les plus prétérités de la société. ◊ Désavantagé (chose). Produit prétérité par rapport à un produit concurrent plus performant. ◊ (en emploi substantif) Personne qui a subi un préjudice, qui a été lésée. Rem. N’est guère senti comme régional.

□ Première attestation : 1864. Il pourrait s’agir d’une réfection (sur la forme du participe passé prétérit) du moyen français preterir « omettre un héritier nécessaire dans le testament (t. de droit) », ou encore d’une verbalisation (désinence -er des verbes du premier groupe) sur une base prétérit- adaptée du latin præteritus. Selon toute vraisemblance, le mot doit être une création de la langue des notaires de Suisse romande.

HE pruneau n. m.

1. ♦ Variété de prune de forme oblongue et de couleur violette. Pruneaux Ersingen, Fellenberg. Crème, marmelade, bouillie, compote de pruneaux. Petits pruneaux de Bâle, variété de prune plus petite. « – Si vous pouviez choisir une nourriture ? / – Saucisse et gâteau aux pruneaux ! » (J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969). 2. ♦ Eau-de-vie tirée de ce fruit. Du pruneau comme digestif. Un pruneau délicieusement parfumé. Offrir un verre de pruneau. On a bu des pruneaux à la fin du repas. Café nature ou café pruneau? « On y servait un pruneau parfumé qui tremblait dans le verre au passage des charrettes. » (N. Bouvier, L’Usage du monde, 1963). 3.pruneau sec n. m. Ce fruit, auquel on a fait subir un procédé de dessiccation en vue de sa conservation. Servir une garniture de pruneaux secs avec la viande. « ses mains, qu’elle tient croisées sur son giron en marchant, ses mains meurtries nous apportent en cachette de son époux des corbeilles de pruneaux secs, du lait de chèvre. » (C. Bille, Juliette éternelle, 1971). Rem. Le fruit que les Suisses romands appellent pruneau se nomme quetsche en France; ce que les Français entendent par pruneau se rend en Suisse romande par pruneau sec (ci-dessus 3).

□ Première attestation : 1768-9 (pruneau d’Allemagne. Création du français local pour désigner un fruit originaire d’Allemagne (ou de Suisse alémanique) et apparenté à la prune, pour lequel le français ne disposait alors d’aucune dénomination (le mot retenu par le français de France pour désigner le même fruit, quetsche, est un alsacianisme qui a fait son entrée très tardivement dans la lexicographie – 1877). Le recours au mot pruneau, attesté depuis 1564 en français pour désigner la prune séchée, pourrait tout simplement s’expliquer par le fait que la quetsche est particulièrement appropriée à la conservation par dessiccation.

HE puck [pœk], [pœkx] n. m.

♦ Au hockey sur glace, disque de caoutchouc durci (anciennement, de bois) que les joueurs doivent tenter de propulser dans le but adverse à l’aide de la canne. Tirer le puck dans la cage, le but, le filet. « Il aura le dessus et mettra fin au suspense en poussant le puck dans le filet… » (L’Express). ◊ (Figuré) Avoir reçu le puck loc. verb. Avoir perdu la tête. ◊ (Figuré) Ne pas voir passer le puck loc. verb. N’y rien comprendre. Je suis allé à cette conférence, mais j’ai pas vu passer le puck. Le travail écrit était trop difficile pour moi, j’ai pas vu passer le puck. ◊ Être absent; ne pas être dans le coup. « Moi, je ne suis jamais dans le coup, docteur. En société, c’est simple, je ne vois pas passer le puck. » (Le Nouveau Quotidien, 1996). Rem. En France, on dit palet. Ce terme n’est pas inconnu en Suisse romande, mais s'y fait beaucoup plus rare.

□ Emprunt à l’anglais, probablement par le biais de l’allemand de Suisse. Le français du Québec a également emprunté ce mot à l’anglais, de façon indépendante, avec une autre prononciation et un autre genre.

R

HE raisinet n. m.

♦ Groseille à grappe, de couleur rouge, rose ou blanche. Des grappes de raisinets. Cueillir des raisinets. Égrapper des raisinets. Confiture de raisinets. Gelée de raisinets. Sirop de raisinets. Vin de raisinets. Gâteau, tourte, tartelette aux raisinets. Yogourt aux raisinets. « C’est fou ce que ces raisinets peuvent être acides dans la grande chaleur de dix heures. On goûte, tout de suite on fait la grimace, la pulpe du fruit écrasé entre les dents nous fait frissonner […]. » (J. Chessex, Où vont mourir les oiseaux, 1980). ◊ (par métonymie) Arbuste portant ce fruit, groseillier à grappes. Désherber les raisinets et les framboisiers. Des boutures de raisinets. « Et me voici au jardin, distribuant force bénédictions aux laitues, aux choux, aux navets, aux raisinets inclinés jusqu’à terre. » (F. Sallin, Sourires des âges tendres, 1985). Rem. Dans l’usage romand, le terme groseille désigne uniquement un fruit de couleur vert clair plus gros que le raisinet (la groseille à maquereau du français de référence).

□ Première attestation : 1825. Dialectalisme. Dérivé sur raisin, employé çà et là dans l’Est galloroman pour désigner les groseilles à grappe à cause de l’analogie de forme entre les deux fruits.

HE rampon n. m.

♦ Plante potagère herbacée, cultivée de préférence pendant la saison froide, dont les petites feuilles, rondes et vert foncé, se mangent en salade. Rampon du pays. Du rampon bien frais. Salade de rampon et d’œufs durs. Le rampon est la salade de l’hiver. « Au moment de servir, ajoutez le rampon à la sauce et parsemez joliment de cerneaux de noix. » (M. Vidoudez, J. Grangier, À la mode de chez nous, 1976). Rem. Correspond au français de référence mâche, terme non marqué et plutôt inusité en Suisse romande. En revanche, le synonyme doucette, connu dans une grande partie de la France, l’est aussi en Suisse romande.

□ Première attestation : 1790. Emprunt au piémontais rampon, représentant d’un type très bien attesté dans les parlers du nord de l’Italie. Il appartient à la même famille que fr. raiponce n. f. (qui réfère à une autre plante mais qui peut aussi à l’occasion avoir désigné la mâche).

HE rappondre v. (aussi rapondre)

I. ♦ (v. tr.) Mettre ensemble, lier, joindre, assembler. Rappondre un morceau d’étoffe à un pantalon pour l’allonger. ◊ (en particulier) Réunir par un nœud les deux extrémités d’un fil, d’une corde ou d’un brin de laine brisé. Rappondre deux cordes, deux bouts de ficelle. ◊ (en emploi absolu) ◊ Répondre, répliquer, enchaîner la conversation. « – Ah ! que fait le docteur, c’est ennuyeux ça ! / – Oui, que rapond le grand-père… » (A. Itten, R. Bastian, En çà… en là!, 1975). II.se rappondre v. pron. S’ajouter. « Car demain, si la Providence le veut bien, nous tournerons une autre séquence, d’autres images encore inconnues ce soir viendront se "rappondre" à la suite des autres… » (W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959). III.rappondu part. passé-adj. Réuni, joint, assemblé. « fumoirs artisanaux, construits de tôles "rapondues" et de toile de sac goudronnée. » (M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973). Rem. Familier; très rare à l’écrit.

□ Première attestation : 1584 (en français de SR). Dialectalisme; préfixé (re-) formé sur appondre (voir ce mot).

HE rapponse n. f.

1. ♦ Nœud servant à rattacher deux bouts de laine. Il faut casser la laine quand il y a un nœud et faire une rapponse. 2. ♦ Couture. Cette couturière a bien fait son travail, on ne voit pas les rapponses. 3. (VD) ♦ Annexe d’un bâtiment. Rem. Familier; très rare à l’écrit.

□ Première attestation : 1828. Ancienne forme participiale du verbe rappondre (voir ci-dessus); confer apponse et appondre (voir ces mots).

HE rouleau à pâte n. m.

♦ Rouleau à pâtisserie. Faire l’abaisse à l’aide du rouleau à pâte. « Ma femme est saint-galloise, elle avait préparé le gros rouleau à pâte, alors… » (G. Duttweiler, Joyeusetés du Pays de Vaud, 1972).

□ Première attestation : 1910. Il pourrait s’agir d’un calque de l’allemand Teigrolle n. f., de même sens, ou d’une innovation du français romand. On trouve la même lexie en français québécois (depuis 1819) ainsi qu’à Saint-Pierre et Miquelon, mais il n’y a pas de lien entre ces emplois et l’usage romand.

S

HE septante adj. numéral cardinal inv.

♦ Sept fois dix, soixante-dix. Les années septante. Il va sur ses septante. La guerre de septante(-et-un), la guerre franco-prussienne. « Le retour de la mode des années septante, avec les pattes d’éléphant et les grands cols, nous l’avons anticipé il y a deux ans. » (L’Hebdo, 1993). ◊ (en composition) Mil neuf cent septante-cinq. Septante mille francs. Rem. L’équivalent du français de référence, soixante-dix, se rencontre assez souvent dans la littérature, et sporadiquement dans les médias; il est toutefois très rare dans l’usage oral, scolaire et administratif.

□ Première attestation : 1370. Archaïsme; en France, le mot commence à céder la place dès le XVe s. à soixante-dix. Type également attesté dans les patois romands. Absolument courant en Suisse romande, au Val d’Aoste, en Belgique, au Zaïre et au Rwanda, le mot se rencontre encore à l’occasion dans le français régional de l’est de la France (mais jamais dans l’usage scolaire), avec une vitalité qui varie toutefois beaucoup d’un point à l’autre.

HE service! loc. excl.

♦ Formule de politesse énoncée à l’adresse d’un interlocuteur qui vient d’exprimer des remerciements. – Je vous remercie beaucoup, monsieur. – Service! Rem. Correspond au français de référence de rien / je vous en prie / il n’y a pas de quoi.

□ Non attesté à date ancienne en SR. Ellipse du français moderne (je suis) à votre service.

HE services n. m. pl. (parfois service singulier)

♦ Ustensiles de table utilisés lors d’un repas pour couper les aliments, les saisir et les porter à la bouche (terme générique pour couteau, cuillère et fourchette). Des services en argent, en acier inoxydable, en plastique. Mettre les services dans la machine à laver. « Il installe le pique-nique, les deux pliants autour de la table minuscule dont il assure l’équilibre sur le terrain irrégulier, les services en matière plastique. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974). ◊ (variante) Services de table loc. subst. « A droite, deux lavabos dont les robinets ressemblent à des services de table en argent, polis par un long usage aristocratique. » (J. Chessex, La Tête ouverte, 1962). ◊ Un / des service(s) à salade, une cuillère et une fourchette de grande taille pour remuer et servir la salade. ◊ (au singulier) Un service, un ensemble formé d’un couteau, d’une cuillère et d’une fourchette, destiné à un seul convive. Rem. Correspond au français de référence les couverts.

□ Première attestation : 1820. Il s’agit probablement d’une spécialisation sémantique à partir du moyen français moderne service de table n. m. « ensemble de la vaisselle ou du linge qui sert à table » (attesté depuis 1508).

HE seulement adv.

♦ (Particule énonciative servant à atténuer un impératif, pour entraîner l’adhésion de l’interlocuteur concernant une action à faire, une invitation à accepter.) Entrez seulement, ne restez pas dehors. Viens seulement, te gêne pas. Asseyez-vous seulement, il y a de la place. Restez seulement, il est encore tôt. Bois seulement, c’est pas brûlant. Laisse seulement, laisse faire, c’est bon. Faites seulement, je vous en prie. Allez-y seulement, vous pouvez y aller. « Tirez seulement, il n’est pas chargé. » (M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965). ◊ (dans un contexte de menace, d’injure, avec une valeur d’atténuation ironique) Attends seulement! Va seulement, minable! Continue seulement, tu vas avoir affaire à moi! « Attendez seulement la prochaine séance du Conseil général ! Ça va bien finir par éclater. » (A.-L. Chappuis, Quand la grêle et le vent, 1960). Rem. Correspond approximativement, selon les contextes, à je vous en prie, allez-y, ne vous gênez pas.

□ Première attestation : 1779-1796. Archaïsme largement maintenu dans l'est du domaine galloroman.

HE soûlon n. m., saoulon (plus rare)

♦ (familier) Ivrogne, soûlard, soûlaud. C’est un vrai soûlon, ce type. « Le soûlon m’a dit: – Paraît qu’il y a des pays où ils ne savent même pas que le vin existe. » (M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965). ◊ soûlonne adj. f. « Ah ! ces vieilles femmes soûlonnes ou prieuses noires qui sortent des églises, appuyées sur des bâtons ! » (M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965).

□ Première attestation : 1757. Variante suffixale (-on) formée sur la même base que le français moderne soûlard, soûlaud. Aussi très courant au Québec.

HE souper v. intr.; n. m.

I. ♦ (v. intr.) Prendre le repas du soir. Souper en vitesse. Souper devant la télé. Souper dehors, au restaurant. Être invité à souper. Restez à souper! « Je passe au conservatoire, je dois voir Borel, et puis je travaille un peu avec Jacques et Dopi, ne m’attends pas pour souper… » (A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975). II. ♦ (n. m.) Repas du soir; mets composant ce repas. Souper d’anniversaire, de Noël; souper de classe, de bureau, de la boîte. Un souper aux chandelles. Souper choucroute, souper raclette, souper-dansant. Préparer le souper. « On mangea pour le souper du fromage, du beurre et du miel, Helena distribua les cadeaux, et la soirée dont elle s’était tant réjouie commença. » (C. Bille, Juliette éternelle, 1971). ◊ Souper canadien, souper auquel chaque convive participe en apportant sa contribution au repas. On se fait un souper canadien: tu fais la salade, maman s’occupe des spaghettis et je me charge du dessert.Goûter-souper, collation prise en fin d’après-midi et servant à la fois de goûter et de repas du soir. Rem. Dans l’usage littéraire, souper est concurrencé par dîner, mais reste tout de même très fréquent. — Dans la lexicographie française, souper est défini comme un « repas ou collation qu’on prend à une heure avancée de la nuit ».

□ Archaïsme. Le mot jouit encore d’une vitalité certaine dans la plus grande partie de la France, en particulier en milieu rural et dans les petites villes. Il est en outre tout à fait courant dans le Val d’Aoste, en Belgique (d’où il est passé au Zaïre et au Rwanda) et dans toutes les variétés de français d’Amérique du Nord.

HE sous-tasse n. f., soutasse

♦ Petite assiette que l’on place sous la tasse, généralement assortie (pour recueillir le liquide qui pourrait s’en écouler, pour y déposer sa cuillère, etc.). Une sous-tasse de faïence bleue, de porcelaine blanche. Déposer sa cuillère dans la sous-tasse. Verser un peu de lait dans la sous-tasse pour le chat. « Ses mains faisaient tourner la tasse de thé vide sur la sous-tasse. » (M. Zermatten, Un Amour à Grenchen-Nord, 1978). Rem. L’équivalent du français de référence, soucoupe, ne se rencontre guère en Suisse romande dans l’usage oral, mais dans la littérature il est en fait plus fréquent que sous-tasse.

□ Première attestation : 1824. Interprété à tort comme un germanisme par certains, ce composé de formation transparente est en fait bien français et jouit d’une très grande extension dans le nord-est (Belgique y compris) et le sud-est de l’espace francophone européen.

HE syndic, syndique n. m., f.

1. (VD, FRIB) ♦ Premier magistrat d’une commune, maire. « Je bois avec le syndic, avec le conseil, avec le gendarme, avec tous. » (J. Chessex, Reste avec nous, 1967). ◊ (pour désigner une femme) « Ainsi, la syndique C. N. garde bien entendu l’administration générale mais abandonne l’instruction publique » (La Presse, 1994). 2. (VS) ♦ Dans certaines communes bourgeoisiales ou municipales du Valais, personne à qui l’on confie des responsabilités au service de la communauté.

□ Archaïsme du français central de l’Ancien Régime. En SR, il est documenté depuis 1315.

T

HE thé n. m.

♦ Infusion, tisane. Thé aux herbes. Thé de menthe, de marjolaine, de camomille, de verveine. Des thés sauvages. « Ils burent du thé de marjolaine, croquèrent des biscuits aux raisins secs. » (C. Bille, Le Bal double, 1980). ◊ Un thé noir, une infusion de thé (et notamment de thé noir, par opposition au thé vert et aux différentes sortes de thé aux herbes). Un thé noir avec de la crème. Un thé noir au lait. « Assise devant son bol de thé noir, croquant un biscuit, elle parle d’un ton léger. » (J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974).

□ Première attestation : 1829-32 (thé de Suisse « plantes vulnéraires, cueillies dans les montagnes et desséchées »); 1861 (thé de violettes, de lierre terrestre); 1864 (thé de camomille, thé de mauves); 1945 (thé noir). Cet emploi, également courant en Belgique et en Alsace, est stigmatisé comme germanisme par certains puristes. Or, si l’allemand Tee n. m., qui désigne aussi les tisanes, a probablement contribué à son maintien et à sa diffusion, l’emploi du mot thé en français de France pour désigner par extension différentes plantes à infusion n’est pas entièrement inconnu. Sa fortune dans certaines régions s’explique peut-être par la connotation trop médicale ou pharmaceutique des équivalents tisane et infusion.

HE thune n. f.

♦ (familier) Pièce de cinq francs suisses. Mettre une thune dans l’automate. « Nouvelle thune pour déjouer les faussaires. Toutes les pièces de cinq francs seront désormais frappées avec une inscription en relief sur la tranche. » (L’Express, 1994). Rem. Confer encore le synonyme pièce de cent sous.

□ Le mot thune au sens de « pièce de cinq francs » est attesté en France depuis 1828-29, mais ce sens est donné comme argotique, populaire ou vieilli dans les dictionnaires les plus récents. Le mot est cependant encore courant en France, mais pour désigner l’argent d’une manière générale, et plus nécessairement une pièce de monnaie en particulier. En Suisse romande, en revanche, thune continue de s’employer avec le sens spécifique de « pièce de cinq francs » (bien que le sens français y soit aussi connu sporadiquement).

HE trâlée n. f. (variante graphique tralée)

♦ Grande quantité, longue suite (de personnes, d’animaux ou de choses). Une trâlée d’enfants, une ribambelle d’enfants. « Cette année, il y a une tralée de fruits au jardin. » (J.-P. Cuendet, Parlons vaudois, 1991).

□ Première attestation : 1820. Dérivé du français moderne trôler v. intr. « aller de-ci de-là », familier ou populaire, attesté régulièrement depuis le XVIIe s. mais aujourd’hui vieilli. Bien connu au Québec.

HE trempe adj.

♦ (familier) Trempé, détrempé, très mouillé; inondé (de sueur), en nage. Avoir la chemise trempe. Avoir les yeux trempes. Être tout trempe. Être trempe de sueur. « Elle était aussi trempe que si elle se fût mise à l’eau. » (M. Métral, Un jour de votre vie, 1976). Rem. Courant à l’oral; très rare à l’écrit.

□ Première attestation : 1808. Adjectif verbal de tremper. Très vivant dans plusieurs provinces de France, ainsi qu’au Québec.

HE tresse n. f.

♦ Pain au lait et au beurre, légèrement sucré, formé de gros cordons de pâte tressés. Tresse au beurre. Tresse au blé entier. Tresses russes aux amandes et noisettes. Tresses précuites. Farine spéciale pour tresses. Pâte à tresse. Une tranche de tresse tartinée de beurre, de miel ou de confitures. Mordre dans un bout de tresse. « Dans les grandes occasions, et notamment pour les fêtes de fin d’année, la tradition voulait qu’on cuise, dans les fours de ménage, les grandes tresses. » (J. Montandon, Le Jura à table, 1975).

□ Première attestation : 1800. Calque du bernois Züpfe n. f., de même sens, ou de l’allemand Zopf n. m., terme allemand standard mais en fait plus répandu en Suisse alémanique que son équivalent bernois pour désigner cette pâtisserie.

U

HE universitaire n. m., f.

♦ Personne qui étudie à l’université ou qui a fait des études universitaires. Le chômage des universitaires. « Ce chômage en col blanc, d’âge mûr et qualifié, ajouté à celui des jeunes universitaires, peut remettre en cause le système. » (Le Nouveau Quotidien, 1993). Rem. En France, le mot a un sens plus restreint et ne désigne que les membres du corps enseignant d’une université. Pour rendre l’idée exprimée par universitaire en français de SR, il faudrait dire en France diplômé d’études supérieures, mais ce terme technique et administratif ne s’utilise pas dans les mêmes contextes; en outre, il ne peut s’employer en France pour désigner les étudiants qui ne sont pas encore diplômés.

□ Première attestation : 1957. Innovation sémantique, aussi connue en Belgique et au Canada.

V

HE vengeron n. m.

♦ Espèce de gardon, poisson (cyprinidés – Leuciscus rutilus) comestible mais dont la chair a peu de goût, pêché notamment dans le Léman et le lac de Neuchâtel. Filet de vengeron. « on mangera bientôt du vengeron, ce poisson blanc longtemps dédaigné et qui va être mis sur le marché, sous forme de pâte à tartiner » (L’Illustré, 1977).

□ Première attestation : 1380 (latin médiéval vengeronorum [génitif plur.]); 1499 (vengeron). Type suffixé (-on) appartenant à la même famille que le suisse-alémanique Winger n. m., de même sens; mot d’origine probablement celtique.

HE venir v. intr. (v. d’état s’employant avec un attribut)

♦ (familier) Devenir. Venir fatigué. Il est venu médecin. Ça vient gonfle. Ça vient humide au galetas. L’eau est enfin venue chaude. Ça vient tout trempe. Il est venu tout rouge de honte. Tu viens pénible. Il y a de quoi venir fou! Ils sont venus amis, ils se sont liés d’amitié. Ces enfants-là sont venus grands, ils ont grandi. Il est venu gros, il a pris du poids. Venir vieux, vieillir. Venir amoureux, tomber amoureux. « Je crois que je viens amoureux fou. » (C. Bille, La Demoiselle sauvage, 1974). Rem. Très fréquent à l’oral; plutôt rare à l’écrit.

□ Emploi attesté dans la langue littéraire de 1405 à 1690. Le français du nord, du centre et de l’ouest de la France ne semble pas partager cet usage, qui est en revanche très courant dans l'est et le sud de la France, ainsi qu’en français québécois.

HE vogue n. f. (parfois écrit avec une majuscule)

(GE) ♦ Fête patronale; fête de la commune ou du quartier, lors de laquelle on danse, boit et se restaure, participe à des concours et à des cortèges. Courir les vogues. La vogue bat son plein tout le week-end. « La Vogue de Vernier [GE] a battu son plein ce week-end, malgré des températures caniculaires qui ont surpris tous les participants à cette liesse populaire. » (Tribune de Genève, 1995).

□ Premières attestations : 1493 (latin médiéval vogua), 1506, 1532 (voga), 1524 (vauga). Type dont l’extension recouvre une vaste zone du Sud-Est galloroman.

Y

HE yogourt n. m. (variante graphique yoghourt)

♦ Lait caillé par l’action de ferments lactiques, souvent aromatisé ou mélangé à des fruits. Yogourt aux fruits, yogourt nature, yogourt bifidus. Yogourt ferme, yogourt partiellement écrémé. Yogourt maison. Ferment de yogourt. « le dessert dont elle ne se rassasie jamais : le yogourt pur fruit, aux myrtilles ou aux framboises. » (C. Bille, La Fraise noire, 1968). ◊ (Figuré) Pédaler dans le yogourt loc. verb. Faire des efforts en pure perte, s’enfoncer dans les difficultés (sur le modèle de pédaler dans la choucroute, la semoule, etc.; on trouve en France la locution équivalente pédaler dans le yaourt). Rem. La forme yaourt, bien que plus rare, est également attestée dans l’usage suisse romand, mais surtout à l’écrit.

□ Bien qu’aucun dictionnaire français ne le mentionne, la forme yog(h)ourt est plus rare en France que la forme yaourt. En Suisse romande, en Belgique et au Québec, c’est la situation inverse qui règne. Cette préférence est peut-être due à l’influence de la langue d’adstrat (confer allemand Joghurt, anglais yog(h)(o)urt).

Abréviations géographiques

BE Berne
FRIB Fribourg
GE Genève
JU Jura
NE Neuchâtel
SR Suisse romande
VD Vaud
VS Valais

Abréviations courantes

adj. adjectif
inv. invariable
loc. excl. locution exclamative
loc. subst. locution substantive
loc. verb. locution verbale
n. f. nom féminin
n. m. nom masculin
part. passé participe passé
part. passé-adj. participe passé adjectivé
pl. pluriel
qqch. quelque chose
qqn quelqu'un
rem. remarque
v. intr. verbe intransitif
v. pron. verbe pronominal
v. tr. verbe transitif
v. tr. abs. verbe transitif en emploi absolu

Sources lexicographiques exploitées

Pierrehumbert, William (1926) : Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand, Neuchâtel, Attinger.

Thibault, André (1996) : « Québécismes et helvétismes : éclairages réciproques », dans Th. Lavoie, Français du Canada – Français de France, Tübingen, Niemeyer, 333-376 (Canadiana Romanica n° 12).

Thibault, André (1997) : Dictionnaire suisse romand. Particularités lexicales du français contemporain, Genève, Zoé.

BDLP-Suisse : Banque de données lexicographiques francophones, volet « Suisse » (consultable en ligne à l’adresse suivante : https://www.bdlp.org/base/Suisse).

Sources documentaires citées dans les articles

L’Auditoire : publication mensuelle des étudiants de l’Université de Lausanne.

Bouquet : mensuel publié à Lausanne.

BourquinPays 1985 : Bourquin, Fr. (et al.), Le pays, la langue, Éd. du Pré-Carré, Institut jurassien des sciences, des lettres et des arts, 1985.

Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil : publication annuelle, Neuchâtel.

Coopération : hebdomadaire pan-romand.

Courrier neuchâtelois : hebdomadaire publié à Neuchâtel.

Cuendet, J.-P. Parlons vaudois, 1991.

Domaine public : hebdomadaire publié à Lausanne.

L’Express : quotidien publié à Neuchâtel.

Femina : mensuel publié à Lausanne.

Gardaz, É. Le Vin vaudois, 1975.

Gazette de Lausanne : quotidien publié à Lausanne.

La Gruyère : quotidien publié à Bulle (Fribourg).

L’Hebdo : hebdomadaire publié à Lausanne.

Hugger, P. Le Jura vaudois, 1975.

L’Illustré : hebdomadaire publié à Lausanne.

La Liberté : quotidien publié à Fribourg.

Le Matin : quotidien publié à Lausanne.

Montandon, J. Le Jura à Table, 1975.

North, M. / Montandon, J. Neuchâtel à table, 1973.

Le Nouveau Quotidien : quotidien publié à Lausanne et Genève.

Nouvelle Revue de Lausanne : mensuel publié à Lausanne.

Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais : quotidien publié à Sion (Valais).

Le Pays : quotidien publié à Porrentruy, Jura.

La Presse : quotidien publié à Montreux, Vevey, Aigle et Monthey (Vaud).

Le Quotidien jurassien : quotidien publié à Porrentruy, Jura.

Le Sillon romand : hebdomadaire publié à Lausanne.

La Suisse : quotidien publié à Genève.

Télé Top Matin : hebdomadaire publié à Lausanne.

Trente Jours : mensuel publié à Lausanne.

Tribune de Genève : quotidien publié à Genève.

Tribune-Le Matin : quotidien publié à Lausanne.

UniNeInf : Université Neuchâtel Informations; bulletin d’information trimestriel de l’Université de Neuchâtel.

Vevey-Riviera : quotidien publié à Vevey, Vaud.

Vidoudez, M. / Grangier, J. À la mode de chez nous, 1976.

24 heures : quotidien publié à Lausanne.

Sources littéraires citées dans les articles

Baud-Bovy, D. L’Homme à la femme de bois, 1970.

Belperroud, A. Les toutes bonnes du syndic, 1973.

Bille, C. Le Mystère du monstre, 1967.

Bille, C. La Fraise noire, 1968.

Bille, C. Juliette éternelle, 1971.

Bille, C. La Demoiselle sauvage, 1974.

Bille, C. Les Invités de Moscou, 1977.

Bille, C. Le Bal double, 1980.

Bille, C. Forêts obscures, 1989.

Borgeaud, G. Le Voyage à l’étranger, 1974.

Bosson, N. Paillache ou la nuit des quatre temps, 1969.

Bouvier, N. L’Usage du monde, 1963.

Chappaz, M. Chant de la Grande Dixence, 1965.

Chappaz, M. Portrait des Valaisans, 1965.

Chappaz, M. La haute route, 1974.

Chappaz, M. À rire et à mourir, 1983.

Chappaz, M. L’Océan, 1993.

Chappaz, M. / Lovay, J.-M. La Tentation de l’Orient, 1970.

Chappuis, A.-L. La Moisson sans Grain, 1955.

Chappuis, A.-L. Quand la grêle et le vent, 1960.

Chappuis, A.-L. À petit feu, 1964.

Chessex, J. La tête ouverte, 1962.

Chessex, J. Reste avec nous, 1967.

Chessex, J. Portrait des Vaudois, 1969.

Chessex, J. Carabas, 1971.

Chessex, J. L’Ogre, 1973.

Chessex, J. Où vont mourir les oiseaux, 1980.

Chevallier, S. Le Silence de la terre, 1961.

Chevallier, S. Ces Vaudois!, 1966.

Clavien, G. Les Moineaux de l’Arvèche, 1962.

Clavien, G. Le Partage, 1976.

Clavien, G. Châtaignerouge, 1977.

Clément, F. Les Vaches enragées, 1993.

Deriex, S. L’Enfant et la mort, 1968.

Dubois, W. En poussant nos clédars, 1959.

Duttweiler, G. Joyeusetés du Pays de Vaud, 1972.

Duttweiler, G. Joyeusetés de Romandie, 1973.

Fonjallaz, J. Le Chemin des vignes, 1973.

Grobéty, A.-L. Pour mourir en février, 1970.

Grobéty, A.-L. Zéro positif, 1975.

Grobéty, A.-L. La Fiancée d’hiver, 1984.

Itten, A. / Bastian, R. En çà… en là!, 1975.

Layaz, A. Malvallée, 1976.

Maillard, A. C’était au milieu du siècle, 1977.

Mercanton, J. L’Été des Sept-Dormants, 1974.

Métral, M. L’Avalanche, 1966.

Métral, M. Un Jour de votre vie, 1976.

Métrailler, M. La Poudre de sourire, 1980.

Monnier, J.-P. La Terre première, 1965.

Monnier, J.-P. L’Arbre un jour, 1971.

Rivaz, A. L’alphabet du matin, 1968.

Sallin, F. Sourires des âges tendres, 1985.

Schenck, M.-F. Notre autrefois, 1993.

Zermatten, M. Les Sèves d’enfance, 1968.

Zermatten, M. Un Amour à Grenchen-Nord, 1978.

Z’Graggen, Y. Chemins perdus, 1971.

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