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Les partis politiques

Jean-Herman Guay

Professeur
Université de Sherbrooke

Les partis politiques au Québec

Les partis politiques québécois présentent des similitudes, mais aussi des différences, avec les formations que l’on trouve en général dans un régime parlementaire de type britannique, lorsqu’il est doté d’un mode de scrutin majoritaire à un tour. Premièrement, le bipartisme caractérise le plus souvent les campagnes électorales, la répartition des sièges et donc les débats à l’Assemblée nationale. Deuxièmement, les formations, peu nombreuses, regroupent un large éventail de points de vue. Bien qu’elles aient des ailes militantes, elles convergent d’habitude vers le centre à l’approche d’un scrutin. Troisièmement, elles forment des gouvernements homogènes sans coalition. Toujours rivaux, les partis ne sont pas enclins à former des alliances électorales, stratégiques ou même tactiques. Enfin, le mode de scrutin majoritaire à un tour fait en sorte que le parti gagnant obtient, du moins généralement, une part de sièges plus grande que le pourcentage de suffrages obtenus. Dans la formation, le chef renforce alors son ascendant, puisque les députés sont soumis à la discipline de parti. Investi du pouvoir gouvernemental, il devient l’acteur central du système politique.

Contrairement à l’axe gauche-droite qui divise beaucoup de sociétés démocratiques, le Québec est marqué par une dynamique spécifique. En général, des partis fédéralistes s’opposent à des partis nationalistes. Le principal clivage est celui qui oppose les « Rouges » et les « Bleus » – dénominations très employées autrefois, mais qui conservent encore leur pertinence. Contrairement à ceux d’Europe, les « Rouges » d’ici n’évoquent pas des courants socialistes ou communistes mais libéraux. Défenseur des valeurs démocratiques au 19e siècle, le Parti libéral du Québec (PLQ) s’est maintenu en se transformant. Fidèles en partie à leurs racines qui se trouvent dans la rébellion des Patriotes de 1837-1838, les libéraux se sont opposés aux courants conservateurs, proches du clergé.

Fort de sa longévité, le Parti libéral a marqué toutes les étapes de la vie politique québécoise : loi sur l’assistance publique, loi sur la fréquentation scolaire, droit de vote des femmes, etc. Il a dominé la vie politique de 1897 jusqu’en 1936, notamment avec les premiers ministres Lomer Gouin et Alexandre Taschereau. Dans l’opposition de 1936 à 1960 (mis à part le mandat d’Adélard Godbout de 1939 à 1944), les libéraux seront par la suite à l’origine de la modernisation politique du Québec – la Révolution tranquille – avec le premier ministre Jean Lesage. Désormais en alternance avec leurs rivaux péquistes, ils exerceront le pouvoir, notamment avec les premiers ministres Robert Bourassa (1970-1976; 1985-1994) et Jean Charest (depuis 2003).

Pragmatique, l’idéologie du Parti libéral est marquée par la capacité de s’ajuster aux tendances économiques. À certains moments, les libéraux n’ont pas hésité à favoriser l’interventionnisme (nationalisation de l’électricité, systèmes publics de santé et d’éducation). Cependant, depuis le milieu des années 1980, confrontés à la dette publique et à la lourdeur du fardeau fiscal, ils mettent l’accent sur la vitalité du secteur privé. Les libéraux ont été essentiellement fédéralistes. Cette option ne les a toutefois pas empêchés d’épouser des revendications nationalistes dans des dossiers sectoriels, comme ceux de la langue, de la culture et des relations internationales. Généralement, ils peuvent compter sur l’appui des électeurs anglophones et allophones. L’accession au pouvoir des libéraux dépend de leur capacité à convaincre un pourcentage important de la majorité francophone.

Pour leur part, les « Bleus » se rattachent à un courant résolument nationaliste. Réclamant plus de pouvoirs pour le gouvernement du Québec, dénonçant ce qu’ils considèrent comme des « empiètements » ou des « intrusions » du pouvoir central, les nationalistes ont réclamé pour le Québec tantôt plus d’autonomie, tantôt la souveraineté. Contrairement aux « Rouges », ils ne se sont pas, du moins sur la longue durée, organisés au sein d’un même parti. On doit nettement distinguer deux types de « Bleus ».

Sous le nom d’Union nationale, les nationalistes conservateurs constitueront pendant les années 1930 une formation de droite liée à l’Église et épouseront des thèses souvent passéistes, voire « agriculturistes ». Lié à la petite entreprise familiale, souvent antisyndical, hostile à la contestation culturelle qui émerge au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce parti est également caractérisé par un refus d’utiliser l’État comme levier pour améliorer la situation de la majorité francophone. Son chef, Maurice Duplessis, sera premier ministre du Québec presque sans interruption de 1936 à 1959. À l’époque, le nationalisme de l’Union nationale a pour credo l’« autonomie provinciale ».

Vient ensuite l’heure des nationalistes progressistes, marginaux jusqu’en 1960. Avec l’arrivée des baby-boomers sur la scène politique, le courant nationaliste se transforme radicalement. À la suite de la laïcisation et de la modernisation du Québec, le nationalisme passe de la droite à la gauche, du moins au centre-gauche. Il ne se définit plus comme catholique mais comme social-démocrate. Il ne se nomme plus « canadien-français » mais « québécois ».

D’abord actifs dans le Parti libéral, les nationalistes progressistes se réunissent au sein d’une nouvelle formation, le Parti québécois (PQ), à partir de 1968. Dynamisée par l’expérience et le charisme de son fondateur, René Lévesque, elle éclipse tous les autres courants nationalistes. Le PQ regroupera plusieurs intellectuels, syndicalistes et artistes. Il aura le soutien d’une large portion de la génération montante jusqu’à la victoire de 1976. Il va plus loin que les courants nationalistes antérieurs, puisqu’il propose non seulement la souveraineté du Québec, mais aussi l’utilisation de l’État comme instrument d’émancipation de la majorité francophone : lois sur la langue française, sur la protection du territoire agricole, sur le soutien au développement de l’économie. La montée du PQ est cependant freinée par le refus des Québécois d’appuyer le projet souverainiste, même lorsque celui-ci inclut des éléments d’association avec le reste du Canada. Ainsi, ni la souveraineté-association, en 1980, ni la souveraineté-partenariat, en 1995, n’obtiennent l’appui d’une majorité lors de référendums. La crise économique des années 1980 mettra aussi à rude épreuve le mouvement social qui animait le nationalisme progressiste.

Presque 50 ans après le début de la Révolution tranquille, la redéfinition de la bipolarité politique québécoise semble marquée par une dynamique redondante, provoquant un essoufflement du débat. Si le nationalisme est toujours présent, l’aspiration à la souveraineté semble plafonner, voire reculer à certains moments.

Au Québec, les tiers partis furent généralement marginaux. La polarisation entre les fédéralistes et les souverainistes a d’ailleurs été si importante que les formations nettement de gauche ou de droite peinent à obtenir l’appui d’un pourcentage significatif de l’électorat.

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