Table des matières
- L’expression législation linguistique
- Un bref historique de la situation linguistique du Québec
- Les principales lois linguistiques
- La langue de l’administration publique
- La langue de la législation et de la justice
- La langue de l’enseignement
- La langue du travail
- La langue du commerce et des affaires
- Les incidences et les nouveaux défis
La législation linguistique comprend l’ensemble des textes juridiques (lois, règlements, décrets, etc.), fixant les règles et les garanties relatives à l’utilisation d’une ou de plusieurs langues par l’État, les citoyens et certains acteurs sociaux, dans divers secteurs d’activité. Elle constitue souvent le principal moyen grâce auquel l’État met en œuvre sa politique linguistique afin d’orienter et de régler le statut et l’usage d’une ou de plusieurs langues dans son territoire.
Plusieurs facteurs motivent l’intervention de l’État québécois en faveur du français, langue minoritaire au Canada et en Amérique du Nord, afin d’en baliser les rapports avec les autres langues, principalement l’anglais, en usage au Québec :
la diminution, de 1951 à 2006, du poids démographique des francophones au Canada, qui est passé de 29 % à 23 % (sans le Québec, les francophones représentent 4,1 % de la population canadienne), et de celui du Québec au sein du Canada, de 28,9 % à 23,9 %;
l’accroissement du pouvoir d’attraction de la langue anglaise en Amérique du Nord, en raison de l’industrialisation, de l’urbanisation et de la mondialisation;
la tendance, avant 1977, des nouveaux arrivants à inscrire majoritairement leurs enfants à l’école anglaise (80 %);
le faible taux de natalité, sous le seuil de renouvellement des générations, ainsi que le vieillissement de la population québécoise qui font en sorte que l’avenir démolinguistique des francophones dépend, même au Québec, de l’intégration des immigrants.
Ainsi, la fragilité du fait français au Canada et en Amérique du Nord, à laquelle s’est ajoutée la volonté affirmée des Québécois de continuer à vivre en français au Québec, a amené tous les gouvernements québécois qui se sont succédé depuis les années 1970 à instaurer ou à maintenir des mesures législatives de promotion du français (voir l’article La Révolution tranquille).
En 1969, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec (loi 63) a été adoptée. Elle avait principalement pour effet de consacrer la liberté des parents de choisir entre le français et l’anglais comme langue d’enseignement de leurs enfants.
En 1974, la Loi sur la langue officielle (loi 22) était sanctionnée. Pour la première fois, le français était reconnu comme langue officielle du Québec. Cette loi a aussi été la première à imposer la francisation de l’administration publique, des entreprises d’utilité publique, des professions, du travail, des affaires et de l’enseignement. Elle restreignait l’accès à l’école anglaise aux seuls élèves qui connaissaient suffisamment cette langue, les autres étant tenus de fréquenter l’école française.
Puis, en 1977, le Québec se dotait d’une stratégie plus globale en matière linguistique, laquelle touchait tant le statut du français que l’aménagement de la langue elle-même. C’est ainsi que la Charte de la langue française a été adoptée. Tout en poursuivant la revalorisation du français amorcée par la loi 22, cette charte est venue la renforcer. La Charte renferme des dispositions adaptées à plusieurs champs sociaux.
La Charte énonce diverses règles applicables à l’administration publique afin, d’une part, qu’elle joue un rôle moteur et exemplaire dans la valorisation de l’emploi du français et, d’autre part, que la place dévolue à cette langue reflète véritablement son statut de langue officielle du Québec.
La Charte spécifie que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec. Toutefois, conformément aux exigences de la Constitution canadienne, elle garantit le respect, au Québec, d’une certaine forme de bilinguisme législatif et judiciaire. Les lois et les règlements sont donc publiés en français et en anglais, et dotés de la même valeur juridique. De plus, toute personne peut utiliser à sa convenance le français ou l’anglais devant les tribunaux québécois.
La Charte affirme que le français est la langue de l’enseignement au Québec. À ce titre, elle prévoit l’enseignement en français à tous les élèves de la maternelle, du primaire et du secondaire. Cette scolarisation en français a pour effet de favoriser l’intégration linguistique des jeunes immigrants à la société québécoise majoritairement francophone. La Charte garantit également, selon certains critères découlant de la Constitution canadienne, le droit aux enfants de la minorité anglophone de recevoir leur enseignement en anglais.
La Charte vise à généraliser l’usage du français au travail et affirme le droit de tout travailleur d’exercer ses activités en français. Elle met ainsi la priorité sur la francisation des entreprises puisque, sans elle, le droit de tout travailleur d’exercer ses activités en français pourrait être compromis.
La Charte prévoit l’utilisation obligatoire du français dans l’étiquetage des produits, les modes d’emploi, les certificats de garantie, etc., afin de protéger les consommateurs et de bien marquer le visage français du Québec. L’usage d’une ou d’autres langues demeure possible, pourvu que le français occupe une place équivalente. Dans le cas particulier de l’affichage public et de la publicité commerciale affichée, on exige généralement que le français occupe une place nettement prédominante.
Les articles de la Charte de la langue française sont parfois accompagnés d’autres mesures linguistiques, que l’on trouve dans des lois, des règlements et des énoncés de politique touchant différents secteurs tels que la culture, la santé, l’immigration et les technologies de l’information. Toutes ces règles constituent la politique linguistique actuelle du Québec.
Au cours des 30 dernières années, le français a progressé au Québec. L’affichage public et commercial a retrouvé un visage français. Les consommateurs francophones obtiennent davantage de services dans leur langue. L’usage du français s’est également accru chez les travailleurs et dans la vie des entreprises. La fréquentation de l’école française par les jeunes immigrants a augmenté. Enfin, les écarts de revenu et de statut, autrefois défavorables aux francophones, se sont résorbés.
Cependant, l’équilibre linguistique atteint reste fragile. En effet, dans le contexte nord-américain où l’anglais domine, des pressions diverses continuent de s’exercer quotidiennement sur la langue française au Québec. La mondialisation des économies et la forte pénétration des technologies de l’information et des communications concourent à promouvoir l’usage généralisé de l’anglais. L’ouverture des marchés amène aussi les entreprises faisant régulièrement affaire avec l’étranger à accroître l’exigence et l’usage d’autres langues que le français. De plus, l’avenir démolinguistique des francophones dépend de l’apport de l’immigration. Voilà pourquoi la politique linguistique québécoise garde toute sa pertinence.