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L’éducation au Québec

Nadia Fahmy-Eid

Professeure associée
Université du Québec à Montréal

(voir aussi les articles Le système de santé au Québec et L’Église au Québec)

Au début des années 1960, avec l’arrivée au pouvoir des libéraux de Jean Lesage, l’éducation a fait l’objet de réformes accélérées qui marquent encore aujourd’hui notre système éducatif. Elles visaient à la fois la démocratisation de l’enseignement et la modernisation globale de la société québécoise. En 1961, le nouveau ministre responsable du Département de l’instruction publique, Paul Gérin-Lajoie, fera adopter une série de mesures législatives qu’on qualifiera plus tard de « grande charte de l’éducation ». Considérée comme un droit plutôt qu’un privilège, l’éducation devra désormais être accessible à tous. Les commissions scolaires, qui voient leurs subventions accrues, devront assurer une formation secondaire gratuite jusqu’à la 11e année et la fréquentation scolaire devient obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans.

La deuxième étape de ce processus de démocratisation fut la mise sur pied d’une commission royale d’enquête sur l’organisation et le financement de l’enseignement au Québec. Présidée par Mgr Alphonse-Marie Parent, recteur de l’Université Laval, cette commission formulera une série de recommandations qui déboucheront sur une véritable révolution du système éducatif. La plus importante visait à la création d’un système d’éducation non seulement public, de la maternelle à l’université, mais aussi unifié, et surtout placé sous l’autorité d’un véritable ministère de l’Éducation. Le nouveau ministère, qui remplacera l’ancien Département de l’instruction publique – avec ses deux comités catholique et protestant – représentait, à lui seul, une grande victoire pour les tenants d’un système éducatif à la fois étatique et laïc, une vision de l’éducation qui avait été farouchement combattue par l’Église catholique dans le passé.

Une autre recommandation importante du rapport Parent fut celle qui, dans une perspective de démocratisation, proposait de faire cohabiter les deux formations générale et professionnelle dans un réseau d’écoles secondaires publiques dites « polyvalentes ». Le même objectif a inspiré le type de structure proposée pour les nouveaux collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps), créés en 1967. Entièrement subventionnés par l’État, ils remplacent désormais les anciens « collèges classiques », ces institutions privées, dirigées par des congrégations religieuses, qui seules assuraient jusque-là à une minorité de jeunes Québécois l’accès à l’université.

En 1964, toujours dans la foulée des recommandations du rapport Parent, les commissions scolaires locales (plus de 1300 à l’époque) seront regroupées au sein de 55 commissions scolaires régionales dans le but de multiplier les services offerts et surtout d’en faciliter l’accès aux régions plus éloignées. Ce même objectif d’accessibilité mènera à la création de l’Université du Québec (UQ), première université d’État, qui ouvrira ses portes en 1969. Afin d’assurer un enseignement universitaire au plus grand nombre, l’UQ essaimera au-delà des grands centres urbains, ajoutant ainsi à sa constituante montréalaise (l’UQAM) Trois-Rivières, Chicoutimi, Rimouski, Rouyn-Noranda et Hull. La même année, l’UQAM se verra confier la responsabilité de la formation des maîtres. Du côté franco-catholique, cette formation était auparavant donnée dans plus d’une centaine d’écoles normales où la cohésion des programmes et la qualité de l’enseignement étaient assurées de façon très inégale. Dès la fin des années 1960, l’État québécois deviendra ainsi le grand maître d’œuvre du système éducatif. Il y mettra d’ailleurs le prix puisque, de 1960 à 1970, le budget alloué à l’éducation sera multiplié par plus de 500 %, passant d’environ 181 millions de dollars à plus d’un milliard de dollars.

Mais pour réaliser l’ampleur du chemin parcouru en l’espace d’une décennie, il faudrait remonter jusqu’au contexte éducatif de la Nouvelle-France, tenir compte de la rupture majeure qu’a représentée dans ce domaine la Conquête britannique en 1760, et traverser deux siècles d’histoire avant d’aboutir à cette entreprise de modernisation accélérée du système d’éducation à partir de 1960.

En Nouvelle-France, l’éducation présente certaines caractéristiques qu’on trouve dans la majorité des sociétés occidentales à l’époque préindustrielle. Elle est perçue comme un privilège plutôt qu’un droit, met l’accent sur la formation religieuse et morale au détriment de l’information et, de ce fait, relève le plus souvent de la responsabilité de l’Église plutôt que de l’État. Dans la nouvelle colonie, ce sont les congrégations religieuses telles que les Jésuites, les Récollets, les Sulpiciens, les Ursulines ou les sœurs de la congrégation de Notre-Dame qui assument, parfois avec l’aide matérielle de l’État, la double mission d’évangéliser et d’instruire les populations amérindiennes et les enfants des colons. Qu’il s’agisse de l’enseignement primaire (et sommaire) dispensé par les « petites écoles » ou de celui, plus avancé, offert par le Collège des Jésuites, le Petit Séminaire de Québec et, plus tard, par les Sulpiciens au Collège de Montréal, l’organisation et la transmission du savoir portent, à tous les niveaux, la marque d’un idéal à la fois éducatif et missionnaire. Cet idéal, qui a animé les nombreuses congrégations religieuses enseignantes œuvrant au Québec, n’excluait pas pour autant, de la part de l’Église, la volonté d’exercer dans le champ de l’éducation un pouvoir qu’elle entendait partager le moins possible avec l’État. Les autorités religieuses seront ainsi à l’origine des deux tentatives avortées de créer un ministère de l’Instruction publique au Québec en 1867, puis en 1897. C’est également dans ce contexte que se situe la lutte féroce menée jusqu’en 1943 par les intellectuels cléricaux contre l’instauration d’un enseignement public obligatoire, alors qu’à la même époque, moins de la moitié des élèves des écoles publiques catholiques se rendent au-delà d’une 6e année, que seulement le quart atteignent la 8e année et seuls 2 %, la 12e année. Pendant ce temps, la fréquentation scolaire est nettement plus élevée dans les écoles anglo-protestantes, où 80 % des élèves se rendent jusqu’à la 8e année et 7 %, jusqu’à la 12e année. Dans les écoles catholiques, le tableau est encore moins reluisant en ce qui concerne les filles. Moins scolarisées que les garçons, elles se voient offrir un programme éducatif à caractère moins théorique et surtout des matières scientifiques au contenu plus allégé. De plus, c’est seulement au début du 20e siècle qu’une très faible minorité de filles commenceront à accéder aux collèges classiques qui demeuraient pourtant une voie obligée pour accéder à l’université.

Ainsi, avant 1960, de multiples clivages ont marqué l’univers éducatif au Québec : entre l’Église et l’État, entre riches et pauvres, entre filles et garçons et, depuis la Conquête (voir l’article La Conquête de la Nouvelle-France), entre franco-catholiques et anglo-protestants. Parmi ces clivages, celui suscité par la méfiance de l’Église envers l’État laïc demeure le plus important. À cet égard, même tardive, la prise en charge de l’éducation par l’État, à partir de 1960, constitue la pierre angulaire de cette Révolution tranquille (voir l’article La Révolution tranquille) dont on estime aujourd’hui qu’elle a représenté un élément majeur de la modernisation du Québec.

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