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La géographie physique du Québec

Henri Dorion

Professeur
Université Laval

Le Québec, la plus étendue des provinces canadiennes, est une vaste péninsule se projetant vers l’Atlantique Nord dont elle est séparée par la côte du Labrador, attribuée juridiquement à Terre-Neuve en 1927. Elle fait donc partie, avec les provinces de l’Atlantique, de l’extrême avancée du continent américain vers l’Europe. L’expression presqu’Amérique pour désigner le Québec traduit donc sa position géographique en même temps qu’elle évoque son profil ethnoculturel, synthèse de sa francité traditionnelle et de sa nouvelle américanité.

Si l’on prend le terme pays dans son sens géographique, on peut voir dans le Québec trois pays en un. D’une part, le Québec jouit de particularités physiques et humaines qui le distinguent des autres régions nord-américaines; d’autre part, trois régions géographiques fort différentes composent le territoire québécois et contribuent à sa diversité et à sa richesse. La structure géologique du Québec est relativement simple et se manifeste clairement par un relief contrasté : deux grands ensembles montagneux flanquent une plaine allongée d’ouest en est qui, malgré ses dimensions réduites, constitue en quelque sorte le cœur du pays.

Le Bouclier canadien s’étend depuis la vallée du Saint-Laurent jusqu’aux confins nordiques du Québec, couvrant plus de 90 % du territoire. Le paysage se compose de croupes arrondies de moyenne altitude (généralement moins de 1000 mètres) faites de roches ignées très dures, parmi les plus anciennes de la planète; elles ont toutefois conservé l’empreinte du passage du glacier continental qui a recouvert le Québec il y a 15 000 ans. Cet épisode glaciaire a doté la région de nombreux témoignages géomorphologiques : des vallées glaciaires en forme d’auges (les plus connues sont la vallée de la Jacques-Cartier et les hautes gorges de la rivière Malbaie), une infinité de dépressions dont la plupart sont occupées par des lacs (on en compte près de un million), des eskers, longs cordons de gravier qui s’étirent parfois sur des kilomètres, des accumulations morainiques de diverses formes qui empâtent le relief.

Les roches acides du Bouclier supportent une végétation qui s’en satisfait, à savoir essentiellement des résineux qui font de la forêt nordique québécoise une région qui rappelle la péninsule scandinave ou la Russie du Nord, pourtant situées dans de bien plus hautes latitudes. Au Québec, en effet, les associations végétales sont la toundra et la taïga pour une moitié et, pour l’autre, des forêts feuillues, mixtes et boréales.

Du côté sud, la chaîne des Appalaches ferme, sur presque toute sa longueur, la frontière méridionale du Québec et sert de contrefort à l’ensemble du territoire. Il s’agit là de roches sédimentaires assez fortement plissées dont l’orientation générale sud-ouest/nord-est structure nettement le paysage, fait d’une belle alternance de crêtes en général boisées et de dépressions pourvues de bons sols permettant une agriculture discontinue, mais prospère. Certaines vallées sont occupées par des lacs longitudinaux qui enjolivent le paysage. Le relief se relève progressivement vers le nord-est et il atteint son maximum au centre de la Gaspésie, au mont Jacques-Cartier (deuxième sommet du Québec avec ses 1268 mètres, le premier étant le mont D’Iberville, dans les Torngat, qui culmine à 1652 mètres). Le climat jouant aussi, les paysages de la péninsule gaspésienne sont de ce fait d’une beauté plus austère que ceux des Cantons-de-l’Est. Tournés vers la mer, beaucoup moins agricoles, ils composent une région appalachienne bien différente où l’odeur du varech remplace celle des foins.

Ces deux ensembles montagneux se prolongent très loin à l’extérieur du Québec : le Bouclier, jusque dans les Territoires-du-Nord-Ouest, les Appalaches, jusqu’au sud-est des États-Unis. Mais c’est au Québec qu’ils se rencontrent, se rapprochant progressivement du Saint-Laurent vers l’aval et enserrant un long triangle qui s’amenuise vers l’Est et vient mourir à quelques kilomètres à l’est de Québec. La plaine du Saint-Laurent est la plus exiguë des régions géographiques du Québec, région plate qui est en fait le fond d’un grand lac ayant recouvert la région lors de la fonte du glacier continental et accumulé des argiles offrant les meilleures possibilités agricoles du Québec.

Chacune de ces régions comporte des exceptions qui concourent à la diversité des paysages québécois. Ainsi, deux larges dépressions s’insèrent à l’intérieur du vaste Bouclier canadien, la plaine de l’Abitibi-Témiscamingue et la dépression du Lac-Saint-Jean, exceptions qui confirment la règle en offrant des conditions d’exploitabilité agricole acceptables. Par ailleurs, la plaine du Saint-Laurent est ponctuée d’une dizaine de montagnes isolées, les collines Montérégiennes, dont la constitution géologique témoigne d’une activité volcanique ancienne; elles forment des oasis boisées au milieu de la plaine agricole dont elles brisent la monotonie. Enfin, les hauts plateaux de la Gaspésie rappellent au sud, par leur végétation et leur couverture rocheuse, la toundra nordique.

Les zones de contact entre les trois grandes régions géographiques du Québec présentent un intérêt particulier. Ainsi, la bordure méridionale du Bouclier est soulignée par un long chapelet de chutes qui, outre qu’elles constituent des attraits touristiques, ont fourni, dès les premiers temps de la colonie, une source d’énergie appréciable. Du côté sud, le passage entre les chaînons des Appalaches et la plaine du Saint-Laurent offre une grande variété de paysages dont les plus spectaculaires sont les cabourons du Kamouraska et les îles, presqu’îles et tombolos qui soulignent le progressif ennoiement des plis appalachiens dans le Saint-Laurent.

Il faut ajouter que le fleuve constitue lui-même une région géographique très particulière avec ses milliers d’îles et sa population flottante qui la sillonne maintenant 12 mois par année. Au fil des ans, les trois grandes régions géographiques du Québec ont vu des particularités régionales se développer et se multiplier par l’action de l’homme qui en a exploité les ressources et souligné ainsi les différences.

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