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Les arts visuels du Québec

Gilles Daigneault

Critique d'art

Montréal


Au Québec comme ailleurs, c’est par l'entremise de la peinture qu’on peut le mieux comprendre l’évolution de l’ensemble des arts visuels. Les autres disciplines ont suivi, en prenant chaque fois en compte le meilleur de l’histoire picturale et souvent elles sont allées plus loin que la peinture.

Dans cette évolution récente, deux dates marquantes : 1940, l’année de la grande rétrospective d’Alfred Pellan au Musée des beaux-arts de Montréal (appelé alors l’Art Association of Montreal) et 1942, celle de l’exposition des gouaches surréalistes de Paul-Émile Borduas au Théâtre de l’Ermitage. Le premier rentrait tout juste d’un long séjour à Paris, où il avait pleinement profité des dernières années de la gloire picturale de cette métropole, et avec sa foisonnante production, dira l’historien François-Marc Gagnon, « nous cessions de balbutier comme des post-impressionnistes attardés ou de miauler comme des fauves timides ». Le second, avec sa cinquantaine de compositions non préconçues, donnait le coup d’envoi du mouvement automatiste qui allait fonder toute notre modernité picturale. En tout état de cause, l’un et l’autre mettaient à mal une peinture, considérée principalement comme représentation mimétique de la réalité, au profit de la création d’un univers poétique jamais vu et d’un langage plastique à l’avenant. Certes, il y avait eu des précédents même à l’intérieur d’une figuration plus sage en apparence – notamment du côté de James Wilson Morrice, de John Lyman, de Fritz Brandtner et d’Ozias Leduc (le premier maître de Borduas) – mais ce choc du début des années 1940 a été tel qu’il ne fut plus possible désormais de peindre lucidement en faisant abstraction des exigences nouvelles du tandem Pellan-Borduas. Et ces exigences se feront encore plus rigoureuses, au milieu des années 1950, quand les peintres qu’on appellera les « nouveaux plasticiens » – Guido Molinari et Claude Tousignant en tête – travailleront essentiellement l’articulation de formes élémentaires et de couleurs posées en aplat sur des surfaces qui renoncent à tout autre contenu, symbolique ou paysagiste, que celui de leur propre énergie chromatique.

Plus tard, deux autres dates marquantes : d'abord 1967, l’année de l’Exposition universelle qui mutatis mutandis aura le même effet d’ouverture sur le monde que la rétrospective Pellan en 1940 (avec un contenu et un public immensément élargis), et ensuite le mouvement contestataire de Mai 68 – tout aussi universel – qui dénotait à la fois l’émergence d’une vision plus ouvertement critique des rapports entre la création et la société, et d’une nouvelle vitalité du milieu de l’art québécois 20 ans après Refus global de Borduas. Cette fois, c’est Serge Lemoyne qui fait office de porte-étendard de la nouvelle génération : « En peinture, par exemple, nous sommes en réaction contre tous ces automatistes et ces plasticiens : nous voulons déconstiper l’espèce de bourgeoisie picturale qu’ils ont atteinte. » Le jeune Lemoyne est lui-même un praticien brillant, une sorte de champion toutes catégories des pratiques alternatives et du décloisonnement des arts. Désormais, tout se passe comme si l’artiste multidisciplinaire était devenu un représentant privilégié de ce qu’on commence à appeler « l’art contemporain ». Sur la lancée également du modèle de Françoise Sullivan, qui demeure la signataire la plus vivante du manifeste de Borduas, plusieurs des créateurs qui écrivent l’histoire récente de nos arts visuels sont de remarquables touche-à-tout : ne faisons que mentionner les noms de Betty Goodwin, d’Irene F. Whittome, de Melvin Charney, de Charles Gagnon, de Rober Racine, entre autres, pour ne rien dire de leur foisonnante relève qui, mieux informée et plus libre que jamais, autorise tous les espoirs. Les frontières entre les disciplines ont cessé d’être étanches, et on peut s’adonner au dessin, à la peinture, à la sculpture, à l’installation, à des œuvres sonores ou cinétiques, à la photo ou à la vidéo, selon son seul désir et au gré de ses seuls besoins d’expression. Ce renouveau se fait encore dans l’esprit de Refus global. On peut maintenant passer de la figuration à l’abstraction, ou l’inverse, sans qu’il soit question de trahison ou de recul. Et on ne s’en prive pas! Vérification faite, les travaux abstraits ou figuratifs sont en réalité des propositions sur l’abstraction ou sur la figuration, et l’académisme est un risque qui guette également les uns et les autres. C’est toute l’œuvre de Jean-Paul Riopelle qui servirait de référence à la jeune génération.

Pour en arriver là, il a fallu qu’à l’instar de la peinture, chaque discipline canonique s’affranchisse d’un passé traditionnel, trop respectueux souvent de ce qui émanait de la vieille Europe. En sculpture, par exemple, il a fallu l’audace de Charles Daudelin, d’Armand Vaillancourt, de Françoise Sullivan ou d’Ulysse Comtois pour qu’apparaissent Roland Poulin, Gilles Mihalcean, Michel Goulet, Pierre Granche. En photographie, le changement s’est fait par une pratique documentaire très solide – avec souvent un petit quelque chose en plus – représentée notamment par Sam Tata, Gabor Szilasi, Michel Campeau ou Pierre Gaudard. Cette pratique a conditionné l’éclosion de quelques-uns de nos artistes les plus importants, toutes disciplines confondues : Raymonde April, Angela Grauerholz, Jocelyne Alloucherie, Geneviève Cadieux et de très jeunes praticiens, comme Nicolas Baier ou Pascal Grandmaison.

En fait, au Québec, comme ailleurs, la sculpture et la photo ont vraiment pris en compte le meilleur de la peinture.

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