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Au Québec, une grande variété d’unités de mesure sont couramment utilisées. Cette situation reflète les difficultés d’implantation des différents changements apportés aux systèmes de mesure, difficultés ajoutées à la mémoire culturelle et à la divergence des intérêts économiques et sociaux.
Les mesures de Paris, de Bordeaux et de Saint-Brieuc étaient utilisées en Nouvelle-France et elles étaient inscrites dans les contrats. Les Britanniques ont tenté sans succès d’imposer un système impérial anglais au Canada juste après la Conquête, mais à partir de la partition de la « province de Québec » en 1791, jusqu’à la Confédération en 1867, les anciennes mesures françaises et les mesures impériales anglaises ont coexisté tant au Bas-Canada (1791-1840) qu’au Canada-Est (1841-1867) qui lui a succédé.
Ni l’introduction du système métrique dans la France révolutionnaire ni les réformes du système impérial anglais en 1824 n’ont entraîné de changements substantiels dans la colonie. Les nomenclatures d’un système étaient souvent utilisées en référence aux mesures de l’autre : par exemple, en 1852, les recenseurs utilisaient indifféremment les termes arpent (0,84 acre ou 0,34 hectare) ou acre (1,184 arpent ou 0,4047 hectare).
Les réformes fragmentaires apportées aux systèmes de mesure ont eu une incidence sur l’exportation de marchandises comme le foin, la farine et la potasse, mais les anciens noms ont souvent continué d’être utilisés pour désigner les nouveaux standards. En ce qui concerne la monnaie, le système décimal fut adopté en 1858, même s’il a fallu attendre le 20e siècle avant que l’État ne commence à exercer un monopole sur les questions monétaires. Après la Confédération, le Parlement a d’abord tenté d’introduire le système métrique, mais l’opposition populaire l’a forcé à choisir le système impérial renouvelé, qui demeura le système standard jusqu’en 1970.
Cette année-là jouissant de l’appui de tous les partis politiques, le gouvernement canadien a mis en œuvre la conversion vers le système métrique. Les signaux routiers et les odomètres des automobiles ont été convertis en kilomètres et l’échelle Celsius s’est imposée dans les bulletins météo. Des échéances ont été établies pour la conversion des unités utilisées dans la vente au détail de la nourriture, de l’essence et des meubles. Cependant, l’influence exercée par certaines couches de la population a retardé le processus de conversion et, après 1984, le gouvernement fédéral a arrêté l’application de son programme de poids et mesures métriques au-delà des secteurs déjà convertis. Les pratiques d’étiquetage découlant de la législation sur la santé et la sécurité ont amené les principales progressions du système métrique. Cependant, l’intégration des économies canadienne et américaine favorise l’utilisation du système américain, non métrique, au Canada.
Dans l’usage courant, on trouve des termes provenant de différentes nomenclatures. Des mots populaires ou archaïques sont parfois appliqués à des unités actuelles de mesure. En ce qui a trait à la monnaie, des personnes utilisent le terme trente sous pour désigner une pièce de 25 cents. Plusieurs emploient indifféremment les termes piastre et dollar.
Le mètre et le kilomètre sont utilisés pour faire référence aux mesures ayant trait à la circulation et aux routes, mais les mesures impériales dominent dans la description des terrains, des maisons et des édifices. L’ancienne mesure de superficie française, l’arpent, a survécu comme symbole culturel, tel que dans l’allusion voltairienne aux « quelques arpents de neige » du Canada, mais dans le secteur commercial, la terre est plus souvent vendue en pieds carrés, comme dans « Terrain à vendre, 51 000 pi2 ». La mesure utilisée pour indiquer la dimension d’une maison ou d’un appartement, pour la vente ou la location, est le nombre de chambres à coucher, bien que les dimensions en pieds soient parfois ajoutées, par exemple dans « Maison impeccable, 24 x 36, 2 chambres, 1 acre ».
Les mesures impériales l’emportent dans le secteur de la construction. Des matériaux, comme les bardeaux pour la toiture, sont mesurés en pieds carrés. Les tapis et les revêtements de sol sont vendus à la verge carrée, même s’il s’agit en fait du mètre carré. Les dénominations impériales sont utilisées également pour des liquides d’usage courant. Si on demande « un gallon de peinture », on obtiendra 3,87 litres, tandis que trois sacs de lait, appelés « trois pintes de lait », contiennent en réalité quatre litres.
Au supermarché, la viande emballée est étiquetée en kilogrammes et en livres, mais la charcuterie est vendue aux 100 grammes. Si on demande « une demi-livre de bœuf », on recevra fort probablement 250 grammes de viande. Les marchandises emballées peuvent être offertes en livres ou en kilogrammes, même si les règles d’étiquetage gouvernementales exigent que les prix soient indiqués par centaine de grammes sur les étagères des supermarchés.
Il existe d’autres domaines où la population vit avec des doubles mesures qui coexistent en particulier lorsque le facteur de précision est important. Par exemple, on peut lire dans des recettes « 2 tasses de farine tout usage (500 ml) ». Les températures pour le four sont souvent indiquées dans les deux systèmes, comme dans « 375 ºF (190 ºC) ». La taille des vêtements est communément exprimée en mesures impériales, sauf pour les souliers, où l’on constate une coexistence des systèmes métrique et impérial. Les tailles des pantalons des hommes sont communément indiquées en mesures impériales pour la circonférence de la taille et la longueur de la jambe, comme dans « 32 x 30 »; les chemises sont mesurées selon la circonférence du collet et la longueur de la manche, comme dans « 15 1/2, 32 », mais les robes des femmes sont vendues selon un système de mesures qui tient compte des « âges », comme dans « Robe de mariée, 12 ans; robe de mère de mariée, 8 ans ». Les mesures impériales dominent le secteur des électroménagers, par exemple : « téléviseur, écran 13 pouces », « réfrigérateur, 22 pi3 ». Les gens utilisent également les livres et les pieds pour décrire leur corps, par exemple : « passionnée de ski de fond, 5 pi 2 po, 120 lb ». .
Les changements apportés dans les technologies et les nouvelles pratiques sociales provoquent l’apparition constante de nouvelles mesures et de nouvelles pratiques de mesurage dans la langue écrite et parlée. Par exemple, les nouveaux équipements utilisés pour couper le foin ont largement éliminé l’expression « bottes de foin » pour la remplacer par « foin en balles rondes ». La technologie informatique a fait apparaître de toutes nouvelles unités de mesure, comme le gigaoctet et le pixel.