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La constitution d'un État est son acte de naissance. Elle se situe au sommet de la hiérarchie des règles du droit positif en ce qu'elle crée les organes législatifs, exécutifs et judiciaires de l'État et énonce les règles les plus fondamentales régissant le fonctionnement de ces organes et leurs rapports avec les personnes. Une constitution peut évoluer, jusqu'au jour où un événement (une conquête, par exemple) marquerait la disparition de l'État qu'elle fonde.
Dans le cas d'un État unitaire, comme la France, où la souveraineté (le pouvoir ultime de décider) n'est pas divisée en fonction du territoire, la constitution est une. Mais dans un État fédératif, où la souveraineté est partagée entre des États fédérés et des institutions fédérales, elle comprend deux réalités. Il faut ainsi distinguer entre la constitution du Québec et la constitution de la fédération canadienne dont le Québec est membre.
Outre cette constitution matérielle, il existe aussi une Constitution formelle, qui n'inclut que les règles jouissant d'une autorité supérieure aux lois du Parlement et qui relève d'un constituant pouvant consister en une assemblée délibérante particulière, l'électorat se prononçant par référendum, ou encore, dans le cas d'une fédération, la réunion d'organes fédérés et fédéraux. Ces règles supralégislatives des constitutions québécoise et canadienne forment « la Constitution du Canada », dont les composantes essentielles portent sur le fédéralisme canadien et les droits de la personne.
Selon sa constitution actuelle, l'État du Québec est né au milieu du 18e siècle. Sa constitution originaire, la Proclamation royale de 1763, faisait suite au Traité de Paris de la même année, qui reconnaissait la Conquête militaire de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne. Ce document impérial créait « la province de Québec », en définissait le territoire et reconnaissait aux peuples autochtones d'importants droits territoriaux.
L'Acte de Québec de 1774 renouvelle les institutions québécoises, reconnaît certains droits aux personnes et agrandit de façon considérable le territoire du Québec. Par l'Acte constitutionnel de 1791, le Québec reçoit des institutions législatives lui permettant de se forger progressivement un véritable régime parlementaire. Son territoire est en revanche amputé de sa moitié occidentale, pour créer une nouvelle province, l'Ontario.
L'Acte d'Union de 1840 va réunir ces deux provinces, sous les noms de Bas-Canada (le Québec) et de Haut-Canada (l'Ontario), en une union législative qui n'a jamais fonctionné efficacement. Telle est d'ailleurs la raison principale pour laquelle les deux provinces, avec la participation de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, ont entrepris, à partir de l864, de se donner un nouveau régime constitutionnel, de nature fédérative. La fédération canadienne et ses institutions, nées de la Loi constitutionnelle de 1867 adoptée par le Parlement britannique, sont en effet, pour l'essentiel, les créatures d'une entente conclue entre le Québec francophone et l'Ontario anglophone.
La constitution du Québec a poursuivi son développement. Ainsi, le Parlement du Québec adopta en 1975 une Charte des droits et libertés de la personne. Sous certains aspects, son évolution s'est toutefois confondue avec celle de la constitution de la fédération canadienne. Aussi est-ce cette dernière qui est devenue indépendante de la Grande-Bretagne par l'effet du Statut de Westminster de 1931. La Loi constitutionnelle de 1982 a de même remplacé le constituant d'alors par un nouveau, pour la modification de la Constitution du Canada, et elle a enchâssé dans cette dernière une Charte canadienne des droits et libertés ainsi que certains droits des peuples autochtones. Le Québec se trouve soumis à cette transformation constitutionnelle, adoptée malgré l'opposition formelle de son Assemblée nationale.
Les constitutions québécoise et canadienne sont faites de sources juridiques diverses, dont l'autorité et l'importance varient beaucoup. Elles comprennent des règles formellement constitutionnelles, qu'il s'avère très difficile de modifier par amendement, mais consistent aussi en des lois, de la jurisprudence, des coutumes et des conventions, qui évoluent avec souplesse et souvent transforment la Constitution formelle.
Ces constitutions perpétuent une monarchie, le chef de l'État canadien étant une reine, représentée aujourd'hui au fédéral par un gouverneur général et au Québec par un lieutenant-gouverneur. Ces dignitaires symbolisent l'État, mais ils ne jouissent d'aucun pouvoir politique. En réalité, les deux constitutions mettent en place des démocraties parlementaires, dirigées par des gouvernements dont le chef (le premier ministre) doit en tout temps jouir de la confiance d'une majorité des députés élus du Parlement, et créent aussi des tribunaux.
Elles comprennent par ailleurs des principes fondamentaux de fonctionnement de l'État qui veulent, principalement, que les lois du Parlement élu soient les règles premières du droit, sauf les normes de la Constitution formelle, que le gouvernement soit soumis au droit et que les tribunaux qui l’appliquent soient indépendants du gouvernement.
Enfin, ces constitutions se caractérisent par la présence de chartes de droits de la personne, dont la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et la Charte canadienne des droits et libertés, qui l'emportent sur les lois du Parlement. Libellées en termes très généraux, elles déplacent une partie du pouvoir politique du Parlement vers les tribunaux.
Dans un État fédératif, les États fédérés et les institutions fédérales disposent de compétences inviolables. C'est ce dont avaient convenu en 1867 les provinces fondatrices de la fédération canadienne : elles voulaient bien confier la défense et certaines compétences économiques aux institutions fédérales qu'elles créaient, mais elles entendaient, surtout le Québec, conserver intactes leurs compétences en matière culturelle et sociale.
Depuis lors le régime a évolué. Le nombre de provinces s'est accru, passant à 10 puis à 13 aujourd'hui, le Québec demeurant l'unique province majoritairement francophone. Puis, un déséquilibre s'est créé entre les responsabilités et les ressources financières : le fédéral dispose maintenant de moyens qui excèdent ses besoins, alors que des provinces, dont le Québec, doivent compter sur son assistance financière pour faire face à leurs obligations en matière de culture, de santé, d'éducation et d'aide sociale, ce qui amène le fédéral à envahir ces domaines. Enfin, la Cour suprême du Canada, tribunal dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral, est devenue, en 1949, le tribunal constitutionnel de dernière instance. Elle s'est montrée par la suite accueillante envers des doctrines comme celle dite « de l'intérêt national », permettant que soient jugées fédérales des compétences jusque-là provinciales.
Ces faits expliquent en partie la volonté d'une fraction importante de la collectivité québécoise de voir le Québec se retirer de la fédération canadienne, car il semble devenu impossible de modifier la Constitution du Canada de manière à accommoder la spécificité québécoise.