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La Déportation des Acadiens

Maurice Basque

Directeur
Institut d'études acadiennes
Université de Moncton

De 1755 à 1764, les autorités militaires britanniques expulsent la population acadienne de la Nouvelle-Écosse, de l’île Saint-Jean, de l’île Royale et du Nouveau-Brunswick actuel vers les colonies britanniques d’Amérique du Nord, l’Angleterre et la France. Cette opération militaire frappe l’ensemble de la société acadienne de l’époque, qui comptait alors une population d’environ 14 000 personnes; la majorité d’entre elles seront déportées, les autres ayant fui en forêt ou s’étant réfugiées dans la vallée du Saint-Laurent.

Le contexte de la guerre de Sept Ans

Colonie établie par les Français en 1604, l’Acadie devient possession britannique à la suite du traité d’Utrecht de 1713 et prend le nom de Nouvelle-Écosse. Les Acadiens refusent de prêter un serment d’allégeance inconditionnelle au monarque de Londres et proposent plutôt une politique de neutralité, un modus vivendi possible en temps de paix, mais intenable en temps de guerre.

Un an avant le début officiel de la guerre de Sept Ans en Europe, les hostilités sont déclenchées en Acadie, en 1755. En juin, le fort français de Beauséjour, situé dans l’isthme de Chignectou, capitule devant une expédition militaire britannique commandée par le lieutenant-colonel Robert Monckton. Cette victoire stratégique sonne le glas de la présence acadienne en Nouvelle-Écosse, permettant aux autorités coloniales anglaises de mettre à exécution le projet d’expulsion de ces Français neutres de la province. Plusieurs miliciens acadiens se trouvent à l’intérieur du fort au moment de sa reddition, ce qui prouve, selon le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Charles Lawrence, que les Acadiens ne sont pas aussi neutres qu’ils le prétendent. Lawrence fera lourdement peser cet argument lors de la décision du 28 juillet 1755.

La décision

La Déportation des Acadiens débute le 28 juillet 1755, alors que les autorités coloniales britanniques de la Nouvelle-Écosse, appuyées par le gouverneur William Shirley du Massachusetts, ordonnent leur expulsion et la saisie de tous leurs biens et propriétés, au nom du roi George II de Grande-Bretagne. Cette décision, prise lors d’une réunion du Conseil de la Nouvelle-Écosse à Halifax, est une mesure militaire radicale que l’on envisageait depuis longtemps pour régler ce que l’on considérait comme « le problème acadien ».

La déportation vers les colonies britanniques d’Amérique du Nord et l’Angleterre

À l’automne 1755, l’embarquement des premiers exilés acadiens commence dans la région du fort Beauséjour, et non à Grand-Pré, comme l’a popularisé le célèbre poème Evangeline de Longfellow. Les colonies britanniques d’Amérique du Nord seront très réticentes à les recevoir. Le Massachusetts, par exemple, à l’instar de plusieurs colonies, vote des lois afin d’interdire le déplacement d’Acadiens d’une ville à l’autre; ces réfugiés catholiques et de langue française sont perçus comme étant suspects. Plusieurs familles sont séparées; ainsi, en 1755, quelque 160 Acadiens de l’isthme de Chignectou sont déportés vers la Caroline du Sud et la Géorgie, sans leur femme et leurs enfants. Confrontés à de telles conditions, plusieurs d’entre eux cherchent à fuir ces colonies et à retourner en Acadie, ce que beaucoup réussissent à faire.

Plusieurs centaines d’Acadiens sont déportés en Angleterre, où ils seront détenus jusqu’au traité de Paris, signé en 1763, qui met fin à la guerre de Sept Ans. Ils s’installeront surtout dans des villes portuaires, comme Bristol et Liverpool. Une bonne partie d’entre eux y perdront la vie, victimes d’une épidémie de variole qui fait des ravages dans les familles acadiennes. Les survivants passeront en France.

Les Acadiens déportés en France

La France va accueillir près de 3000 Acadiens durant les années de la Déportation. Ils sont surtout de l’île Saint-Jean, mais aussi de la Nouvelle-Écosse et de l’île Royale, sans oublier les survivants de la variole venus d’Angleterre. Installés principalement à Saint-Malo, à Boulogne-sur-Mer, à Morlaix, à Cherbourg, à Belle-Île-en-Mer et à Nantes, ils s’adaptent difficilement à cette France de l’Ancien Régime. Plusieurs centaines d’entre eux vont choisir d’aller recommencer leur vie en Louisiane, alors que d’autres opteront pour l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Une nouvelle terre d’accueil pour les exilés acadiens : la Louisiane

La Louisiane, colonie espagnole à l’époque, reçoit des exilés acadiens à la suite de la signature du traité de Paris, alors qu’elle cherche à peupler ses terres de catholiques. Quelques centaines d’Acadiens vont s’y réfugier et recevront des terres au sud-est de la colonie, dans une région qui deviendra plus tard l’Acadiana. Vers la fin des années 1760, plus de 600 Acadiens des colonies du Maryland et de la Pennsylvanie les y rejoignent.

La vague la plus importante d’exilés acadiens vers la Louisiane quitte le port de Nantes en 1785, à l’initiative du gouvernement espagnol. Environ 1600 Acadiens, déçus de leur séjour en France, font le voyage. Les autorités espagnoles de la colonie leur fournissent des provisions, des soins médicaux et la liberté de choisir leurs terres. Les Acadiens installés en Louisiane vont donner naissance à une culture dynamique et originale, la culture cajun, connue à travers le monde pour sa cuisine et sa musique. Environ un demi-million de Cajuns vivent aujourd’hui en Louisiane.

Les Acadiens réfugiés au Québec

Dès le début de la Déportation, plusieurs centaines d’Acadiens prennent la fuite en direction de la vallée du Saint-Laurent. Même si les Canadiens partagent leur langue et leur religion, l’accueil qu’ils leur réservent n’est pas toujours favorable, selon les régions. La ville de Québec qui, à l’époque, connaît une disette, voit d’un mauvais œil ces exilés qui viennent grossir la population déjà nécessiteuse de la capitale. La Conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques, en 1760, ne laisse guère présager des jours plus heureux pour les Acadiens. Malgré des années difficiles au début, leur établissement va marquer l’histoire du Québec; aujourd’hui, plusieurs milliers de Québécois professent une double appartenance au Québec et à l’Acadie.

Du Grand Dérangement à la Déportation des Acadiens

Les expressions Grand Dérangement et Déportation des Acadiens sont utilisées comme synonymes depuis plusieurs décennies, à la fois par les historiens et le grand public, afin de désigner les années noires de l’Acadie. Cependant, lorsqu’on examine de plus près la documentation historique produite par les déportés eux-mêmes, il appert que le Grand Dérangement couvre une période plus longue. Il aurait débuté dès 1749, au moment où les Britanniques fondent la ville de Halifax, ou en 1750, lorsque les villages acadiens de la région de Beaubassin sont incendiés par ordre des Français. Selon certains historiens contemporains, le Grand Dérangement s’étend jusqu’aux années 1780, voire jusqu’au début du 19e siècle; il aura fallu près d’un demi-siècle d’errance avant de véritablement reconstruire une nouvelle société acadienne. Aujourd’hui, quelque 300 000 Acadiens habitent dans les quatre provinces du Canada atlantique et constituent l’Acadie de l’Atlantique.

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