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Un précurseur : le père Potier

Au milieu du 18e siècle, le français des habitants de la Nouvelle-France se signalait déjà par quelques particularismes. Ceux-ci ont attiré l’attention d’un jésuite d’origine belge, le père Pierre-Philippe Potier (1708-1781), qui rédigea de 1743 à 1758 une liste d’un millier de mots et d’expressions propres aux « Canadiens » de l’époque, dans laquelle on trouve atoca, blé d’Inde, bordée, boucaner, brûlot, caribou, maringouin, picote et poudrerie. Les relevés du père Potier, connus sous le nom de Façons de parler proverbiales, triviales, figurées, etc., des Canadiens au XVIIIe siècle, constituent l’acte de naissance de la lexicographie du français nord-américain.

Les premiers recueils de « canadianismes »

Au 19e siècle, la rupture des liens avec la France et le contact avec l’anglais entraînent l’apparition de nouveaux « canadianismes »; ceux-ci sont relevés par de nombreux observateurs dans un dessein en premier lieu normatif, puis de plus en plus descriptif. On citera d’abord Néologie canadienne, ou Dictionnaire des mots créés en Canada, rédigé par Jacques Viger en 1810 (mais qui ne sera publié qu’un siècle plus tard dans le Bulletin du parler français au Canada), riche déjà de plusieurs centaines de formes et de locutions (avoir bien des croûtes à manger, c’est pas de la p’tite bière, branler dans le manche, etc.). Toutefois, le premier recueil publié au 19e siècle fut le Manuel des difficultés les plus communes de la langue française, adapté au jeune âge et suivi d’un Recueil de locutions vicieuses de Thomas Maguire (1841), ouvrage normatif mais néanmoins très précieux pour l’histoire des québécismes, dont il fournit souvent la première attestation. C’est toutefois avec Oscar Dunn et son Glossaire franco-canadien (1880) que l’ère de la lexicographie descriptive voit le jour au Québec. Cet ouvrage est le premier à montrer que l’origine de nombreux québécismes remonte aux parlers des provinces de France, ou simplement au français central tel qu’il se pratiquait à l’époque coloniale. Le glossaire de Dunn, né à une époque où la dialectologie et la lexicographie historique étaient en plein essor en France, allait être suivi par deux ouvrages de même nature mais d’envergure plus considérable, le Dictionnaire canadien-français de Sylva Clapin (1894) et Le parler populaire des Canadiens français de Narcisse-Eutrope Dionne (1909).

La Société du parler français au Canada (1902-1962)

L’ambiance intellectuelle et scientifique qui régnait au Québec au début du 20e siècle était propice à l’apparition d’une approche institutionnalisée des questions de langue, qui se concrétisa dans la fondation de la Société du parler français au Canada (SPFC), organisme réunissant de nombreux érudits préoccupés par la langue française au Canada, dans le but de mieux en connaître les origines et les particularismes, d’une part, et d’en expulser les éléments considérés comme inacceptables, d’autre part (anglicismes et autres « fautes de langage »). Les principaux instigateurs en furent Adjutor Rivard et Stanislas Lortie. Les travaux de la Société trouvèrent rapidement une expression concrète dans le Bulletin du parler français au Canada (1902-1918), où les lecteurs pouvaient prendre connaissance des travaux des artisans de la SPFC au fur et à mesure de leur avancement. Le chef-d’œuvre de la SPFC n’allait toutefois voir le jour qu’en 1930 : il s’agit du Glossaire du parler français au Canada (GPFC), véritable somme qui réunit les résultats de plusieurs années de labeur acharné (essentiellement celui d’Adjutor Rivard et de Louis-Philippe Geoffrion). Le GPFC repose sur le dépouillement de glossaires canadiens et français ainsi que sur des enquêtes menées par correspondance dans tout le Québec.

Le Dictionnaire général de la langue française au Canada (DGLFC) de L.-A. Bélisle (1957)

Jusque-là, le Québec n’avait produit que des dictionnaires « différentiels », c’est-à-dire limités aux régionalismes. Louis-Alexandre Bélisle, membre de la SPFC et imprimeur de profession, mit fin à cette situation en 1957 avec son Dictionnaire général de la langue française au Canada, adapté d’un dictionnaire français appelé couramment le Littré-Beaujean (lui-même une adaptation du célèbre dictionnaire d’Émile Littré). L.-A. Bélisle fut le premier à réunir en un seul ouvrage les mots du français « commun » et les unités lexicales propres au franco-québécois (qu’il a tirées, pour l’essentiel, du GPFC).

Les atlas linguistiques

La dialectologie scientifique au Québec n’a livré ses véritables premiers fruits que beaucoup plus tard, sous la forme de recueils d’envergure réunissant d’innombrables mots et expressions classés par champ conceptuel. Il s’agit du Parler populaire du Québec et de ses régions voisines. Atlas linguistique de l’Est du Canada de Gaston Dulong et Gaston Bergeron (1980) et des Parlers français de Charlevoix, du Saguenay, du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord de Thomas Lavoie, Gaston Bergeron et Michelle Côté (1985).

Les publications du Trésor de la langue française au Québec (TLFQ)

Fondé par Marcel Juneau en 1972 et dirigé depuis 1983 par Claude Poirier, le Trésor de la langue française au Québec (Université Laval) est l’un des plus prestigieux centres de lexicographie du monde francophone. En plus de ses nombreuses et précieuses bases de données en accès libre sur Internet, on lui doit le Dictionnaire du français québécois : volume de présentation (1985) ainsi que le Dictionnaire historique du français québécois (1998), que l’on peut à bon droit considérer comme le meilleur dictionnaire historique d’une variété nationale de français hors de France. On reconnaît également l’expertise du TLFQ dans le Dictionnaire du français plus à l’usage des francophones d’Amérique (1988; adaptation du Hachette 1987), qui, comme le Bélisle, est non différentiel, mais présente pour la première fois la caractéristique de repérer les « francismes » et de ne pas marquer les québécismes (contrairement à Bélisle, qui les faisait précéder d’une fleur de lys).

Le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (DQA) de J.-Cl. Boulanger (1992)

Tout comme le précédent, le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui de Jean-Claude Boulanger (adaptation du Micro-Robert) note les « francismes » et non les québécismes. Il propose au lecteur le dictionnaire de langue générale le plus profondément québécisé.

Le français acadien

Il convient de glisser quelques mots sur la lexicographie du français acadien, parlé dans certaines régions du Québec (la Basse-Côte-Nord, les Îles-de-la-Madeleine et le sud de la Gaspésie) et étroitement apparenté au français laurentien. Mentionnons d’abord Le glossaire acadien de Pascal Poirier (1925-1933), premier recueil d’ampleur sur cette variété; puis, le magistral ouvrage de Geneviève Massignon, Les parlers français d’Acadie (1962), somme à ce jour inégalée. Dans le domaine de la géographie linguistique, nous disposons de l’Atlas linguistique du vocabulaire maritime acadien de L. Péronnet, R. M. Babitch, Wl. Cichocki et P. Brasseur (1998); enfin, le Dictionnaire du français acadien d’Yves Cormier (1999) offre une excellente description lexicographique des principaux acadianismes.

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Ce mot fait partie de la liste orthographique du primaire (#listeNomComplet#) du ministère de l’Éducation et de l'Enseignement supérieur (MEES) du Québec, élaborée en collaboration avec le Centre d’analyse et de traitement informatique du français québécois (CATIFQ) de l’Université de Sherbrooke.

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