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La question nationale au Québec

Michel Sarra-Bournet

Chargé de cours
Université du Québec à Montréal et Université de Montréal

L’enjeu fondamental de la question nationale n’a pas changé : comment assurer la pérennité d’une société distincte par sa langue, sa culture et ses institutions? La question comporte plusieurs facettes qui portent sur des enjeux identitaires, économiques, linguistiques, démographiques, politiques et internationaux.

Avant 1960

Depuis la création de la fédération canadienne en 1867, il se produisit une érosion du fait français à l’extérieur du Québec en raison de l’assimilation à l’anglais. Dans les nouvelles provinces, l’immigration se faisait presque exclusivement au profit de l’anglais. De plus, leurs gouvernements pratiquèrent longtemps une politique restreignant les droits scolaires des francophones. De son côté, le gouvernement fédéral, à majorité anglophone, n’était d’aucun secours, même si la constitution lui permettait d’adopter des mesures de redressement. De plus, il restait sourd aux demandes de nouveaux services en français.

Au Québec, l’attrait de l’anglais dans les domaines des affaires et du travail attira la très grande majorité des immigrants vers la communauté anglophone. La population francophone y maintenait sa majorité grâce à un taux de natalité fort élevé, mais le poids démographique du Québec au sein du Canada passa de 34,1 %, en 1867, à 28,2 %, en 1961.

Dès le début du 20e siècle, il était devenu évident que le Québec était le foyer de la francophonie au Canada, car c’était le seul endroit où les francophones pouvaient espérer demeurer majoritaires et devenir maîtres de leur destin. Ils y contrôlaient les institutions politiques et, à travers l’Église catholique, la plupart des institutions sociales et culturelles. Ainsi, les nationalistes canadiens-français concentrèrent leur action sur cette province, berceau de la francophonie nord-américaine.

Depuis 1960

Du milieu du 19e siècle jusqu’en 1960, le nationalisme canadien-français visait le maintien des caractéristiques culturelles, notamment la langue française et la religion catholique. Puis, avec la Révolution tranquille, ce nationalisme de « survivance » se transforma en nationalisme d’affirmation. Le principal instrument pour assurer l’épanouissement de la société francophone devint l’État québécois. Dès lors, les Canadiens français commencèrent à s’identifier comme Québécois. Les nouveaux nationalistes (aussi appelés néonationalistes) voulurent faire du Québec une société plus autonome à prédominance francophone.

La première conséquence de ces changements fut une redéfinition identitaire qui progressa à partir des années 1960. En se servant de l’État du Québec comme instrument de promotion des francophones, on fixa le cadre du nouveau nationalisme : la nation « canadienne-française », qui débordait les frontières du Québec, fit graduellement place à la nation « québécoise », composée de l’ensemble de la population du Québec.

Sur le plan économique, les gouvernements nationalistes voulurent corriger le retard économique dont souffrait le Québec par rapport à l’Ontario et les Canadiens français par rapport aux autres groupes ethniques au sein même du Québec. Ils le firent en modernisant le système d’éducation et en créant des sociétés d’État (Caisse de dépôt et placement, Hydro-Québec, etc.) vouées au mieux-être collectif et permettant à une nouvelle génération de Québécois une ascension sociale inédite.

Le statut économique des francophones était aussi lié au statut de la langue française dans l’espace public, y compris dans les lieux de travail. La question linguistique émergea rapidement et des lois furent adoptées pour faire du français la langue officielle et commune de la population.

Avec la modernisation culturelle vint la baisse de la natalité, ce qui posa la question du maintien de l’équilibre démographique. L’immigration avait toujours défavorisé le fait français. Le Québec demanda et obtint d’Ottawa le pouvoir de choisir et d’intégrer les immigrants et fit en sorte, par la Charte de la langue française de 1977, que la scolarisation de leurs enfants se fasse en français.

Peu à peu, le peuple francophone du Québec se métissa : il est de plus en plus constitué de citoyens d’origines autres que canadienne-française. Toutefois, même si le projet national moderne s’adresse à toute la population québécoise, le nationalisme continue d’être d’abord véhiculé par les francophones les plus enracinés dans le territoire, ceux qui témoignent de la mémoire collective.

Une des conséquences les plus importantes du nouveau nationalisme fut de remettre en cause les institutions politiques canadiennes. Selon la vision traditionnelle des Canadiens français, le Canada était formé de « deux peuples fondateurs ». Les nationalistes québécois concevaient plutôt un Canada formé de deux majorités : les francophones au Québec et les anglophones dans le reste du pays. Pour désigner la dualité canadienne, on parla désormais de « deux nations », une basée au Québec, l’autre dans le reste du Canada, ou de deux « sociétés distinctes » ayant chacune sa propre langue et ses propres institutions. Parce qu'elles nécessitaient un effort considérable, les réformes en cours durant la Révolution tranquille alimentèrent un besoin accru de pouvoirs et de ressources étatiques. C’est ainsi que les différents partis politiques québécois ne se contentèrent plus de la protection de l’autonomie provinciale. Tous revendiquèrent, à un moment ou à un autre, une plus grande autonomie pour le Québec, allant même pour certains jusqu’à l’indépendance politique.

Les négociations constitutionnelles entreprises à la veille de la célébration du centenaire de la Confédération, en 1967, avaient d’abord pour but de « rapatrier la constitution », c’est-à-dire d’adopter une formule par laquelle les Canadiens pourraient amender eux-mêmes leur constitution plutôt que de demander chaque fois au parlement de Grande-Bretagne de le faire : ce résidu de l’ère coloniale devenait gênant. Toutefois, le Québec y posa une condition : modifier le partage des compétences législatives afin d’obtenir plus d’autonomie. Il demanda en outre un meilleur partage des ressources fiscales et la possibilité d’être représenté par lui-même et reconnu comme un acteur de la scène internationale. Le Québec possède, depuis 1961, un réseau de délégations à l’étranger.

Une question non encore résolue

Même si on constate que sur le plan identitaire, économique, linguistique, démographique, politique et international, la consolidation, l’affirmation et la reconnaissance de la nation québécoise ont progressé, la question nationale demeure non résolue à ce jour. Aucun des trois grands courants de pensée proposant une solution globale – l’autonomisme, le souverainisme et le fédéralisme – n’a remporté de victoire politique décisive. Aucun n’a réussi à obtenir l’appui d’une majorité de la population en faveur d’une nouvelle définition du statut du Québec : la Loi constitutionnelle de 1982 n’a pas été avalisée par le Québec; les référendums de 1980, de 1992 et de 1995, dont deux ont porté sur la souveraineté, se sont soldés par des votes négatifs.

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