La publication du roman épistolaire de Frances Brooke, The History of Emily Montague, à Londres, en 1769, marque le début de la littérature de langue anglaise au Québec. Ce roman, généralement reconnu comme le premier roman canadien, a été écrit lors du séjour de l’auteure au Québec vers 1760, lorsque son mari y était aumônier pour la garnison britannique. Le roman présente de vives descriptions du Québec sous la Conquête et traite de mariage et d’affaires de cœur. Le recueil de poésie Abram’s Plains de Thomas Cary, publié en 1789, est le premier exemple d’un ouvrage littéraire en anglais imprimé au Québec. Aux 19e et 20e siècles, le Québec et la ville de Montréal, en particulier, sont demeurés les principaux centres de création et de diffusion de poésie, de romans, d’essais et de théâtre en langue anglaise.
Néanmoins, le concept de littérature anglo-québécoise suppose une reformulation de l’histoire de la littérature canadienne-anglaise et une redéfinition des catégories qui la composent. Parmi les poètes les plus reconnus au Canada anglais, plusieurs (dont A. M. Klein, Irving Layton, Ralph Gustafson, Leonard Cohen, D. G. Jones, Robyn Sarah, David Solway et Anne Carson) ont été des citoyens et des citoyennes du Québec. Dans le domaine du roman et de la nouvelle, des classiques de la littérature canadienne-anglaise de la deuxième moitié du 20e siècle, tels Two Solitudes de Hugh MacLennan, Beautiful Losers de Leonard Cohen, The Apprenticeship of Duddy Kravitz de Mordecai Richler, The Luck of Ginger Coffee de Brian Moore, Home Truths de Mavis Gallant et Earth and High Heaven de Gwethalyn Graham, ont été écrits par des anglophones ayant vécu au Québec et traitent de la réalité des anglophones du Québec.
L’expression Anglo-Québécois devra attendre l’émergence du terme Québécois, dans les années 1960 et son acceptation comme désignation des habitants de la province, plutôt que des résidents de la ville de Québec. Elle se répand à partir des années 1970. Ainsi, la littérature anglo-québécoise, au sens le plus significatif du terme, voit le jour avec la pièce bilingue du dramaturge David Fennario, Balconville, présentée pour la première fois en 1979 au Centaur Theatre, à Montréal. L’œuvre décrit la vie difficile des ouvriers irlandais et de leurs voisins francophones qui habitent le secteur montréalais de Pointe Saint-Charles – Verdun. Ces deux groupes atteignent, à la fin de la pièce, un moment salutaire de solidarité.
De la fin des années 1970 jusqu’aux années 1990, certains écrivains anglophones ont continué de critiquer l’érosion des droits linguistiques des anglophones au Québec. Par exemple, dans le roman The Underdogs de William Weintraub, le Québec indépendant, dépeint du point de vue d’un anglophone, est une dystopie bureaucratique en faillite. Quant à Mordecai Richler, il décrit, dans son essai Oh Canada! Oh Quebec! Requiem for a Divided Country, un gouvernement péquiste qui a « tout fait pour que les Québécois de langue anglaise se sentent indésirables ».
Au début des années 1990, l’idée d’une communauté ou d’une littérature de langue anglaise qui pourrait faire partie de la culture québécoise était encore incertaine. La journaliste Josée Legault affirmait dans L’invention d’une minorité : les Anglo-Québécois que les anglophones du Québec étaient « “québécois”, dans le sens territorial et non culturel du terme ». De son côté, le critique littéraire Gilles Marcotte soulignait dans son article « Neil Bissoondath disait… » qu’« il n’existe évidemment pas telle chose qu’une littérature anglo-québécoise [. . .] ».
Cependant, de la fin des années 1980 jusqu’à l’aube du troisième millénaire, il y a une nette augmentation du nombre de romans et de pièces de théâtre écrits par des anglophones québécois qui décrivent la situation particulière dans laquelle se trouve leur minorité au Québec. Cette littérature, qu’on qualifie souvent de « littérature mineure », témoigne de beaucoup plus d’ouverture, de sensibilité, d’intérêt et d’appui par rapport à la langue et à la culture de la majorité des Québécois que ne le faisait celle des générations précédentes. Elle insiste sur l’enracinement de la langue anglaise dans la vie et la culture québécoises. Le thème de l’inquiétude et de l’indignation des anglophones que l’on trouve chez William Johnson (Anglophobie made in Québec, livre écrit en français), Mordecai Richler (Oh Canada! Oh Quebec!) et Reed Scowen (Time to Say Goodbye) fait place à la sérénité. Des essayistes, comme Charles Taylor (The Politics of Recognition) et Taras Grescoe (Sacré Blues : An Unsentimental Journey Through Quebec), se préoccupent de l’intégration et de l’accommodement. Un nombre grandissant de romanciers et de dramaturges relèvent le défi de faire le lien, du point de vue d’une minorité, entre le territoire québécois et la langue anglaise. Dans ce courant, il faut mentionner notamment David Fennario (The Death of René Lévesque), Gail Scott (Main Brides), Linda Leith (The Tragedy Queen), Marianne Ackerman (Jump), Colleen Curran (Something Drastic), Jeffrey Moore (Prisoner in a Red Rose Chain), Vittorio Rossi (The Last Adam), Rahul Varma (Counter Offence), Robert Majzel (City of Forgetting), Neil Bissoondath (Doing the Heart Good), Trevor Ferguson (City of Ice), Steve Galluccio (Mambo Italiano) et Lorena Gale (Je Me Souviens). La littérature anglo-québécoise s’enrichit aussi de traductions anglaises d’œuvres québécoises écrites en français grâce à Sheila Fishman, à Linda Gaboriau et à David Homel. Son originalité s’accroît par les publications de francophones du Québec qui écrivent en anglais, commeYann Martel (Life of Pi) et Michel Basilière(Black Bird).
Même si, bien évidemment, toute la littérature écrite en anglais par des Québécois ne peut s’en tenir à un ensemble immuable de critères littéraires, on trouve dans les pièces de théâtre et les autres œuvres de fiction récentes, dans lesquelles figurent des personnages de langue anglaise, un certain nombre d’éléments qui se répètent, comme l’emploi fréquent d’expressions et de mots français, le thème du rapprochement culturel, une quête de la connaissance de soi vécue par un orphelin adulte métaphorique, bref une résistance à toute identité particulariste et figée. Cette résistance se manifeste de façon générale par la mise en valeur de langues, de cultures et d’ethnies multiples.
Plus récemment, nombre de commentateurs et de critiques, dans le milieu universitaire ou ailleurs, ont commencé à étudier à fond la littérature de langue anglaise du Québec pour en favoriser la lecture et l’analyse à l’intérieur des paradigmes de la littérature québécoise.