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Le statut de la langue française au Québec a connu une histoire mouvementée. Entre la fin du Régime français (1763) et l’adoption de la Charte de la langue française (1977), de multiples événements sont survenus pour remettre en question et sans cesse modifier le statut du français.

La Nouvelle-France

En Nouvelle-France, le statut du français équivalait à celui d’une langue officielle, pour employer le vocabulaire juridique d’aujourd’hui. C’était la langue de l’administration royale, du clergé, de l’école et de l’armée. Bien que les autorités françaises aient échoué dans leurs tentatives d’assimiler linguistiquement les Amérindiens, le français acquit dans tous les vastes territoires amérindiens un statut prestigieux, car il devint la langue commerciale dans la plus grande partie de l’Amérique du Nord (de l’Acadie jusqu’en Louisiane).

La Conquête anglaise

Après la capitulation de Montréal le 8 septembre 1760, le Canada devint officiellement un « pays anglais » en 1763, mais les Britanniques adoptèrent un modus vivendi. L’administration de la nouvelle colonie continua de se faire en français pour ce qui est des lois civiles. En revanche, les lois criminelles anglaises s’appliquèrent. À la Conquête, l’immigration britannique se composait essentiellement de soldats pour conserver le pays conquis, d’administrateurs pour le gérer et de marchands pour prendre le contrôle de l’économie.

Le traité de Paris de 1763 n’accordait aucun droit linguistique aux habitants, car ce sujet n’avait pas été pris en considération. N’oublions pas que le français était à cette époque l’outil de communication privilégié entre les nations d’Europe et qu’il était aussi parlé par l’élite anglaise. Le point litigieux de ce traité était la religion, et non la langue. Mais quelques mois plus tard, dans la Proclamation royale, le conquérant anglais ordonna que « toutes les causes aussi bien criminelles que civiles » fussent jugées « conformément autant que possible aux lois anglaises ». Dans les faits, le gouvernement britannique fut incapable de transformer la nouvelle colonie en pays totalement anglais par l’assimilation linguistique et l’implantation de la religion anglicane. Par ses velléités d’anglicisation, il ne fit que soulever la colère des Canadiens.

L’Acte constitutionnel de 1791

L’Acte constitutionnel de 1791 vint séparer le Canada en deux colonies distinctes : le Bas-Canada, le Québec, et le Haut-Canada, l’Ontario. L’Angleterre y introduisit alors le régime parlementaire et dota chacune par le fait même d’une Chambre d’assemblée. La question du choix de la langue suscita aussitôt des affrontements entre Canadiens et Britanniques à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada. En septembre 1793, le gouvernement britannique décréta que l’anglais devait être la seule langue officielle du pays, le français n’étant reconnu que comme langue de traduction. Bien qu’il fût sans garantie constitutionnelle ni valeur juridique, le français continua tout de même d’être employé dans les débats, les procès-verbaux et la rédaction des lois. Un bilinguisme législatif et judiciaire s’installa donc, ce qui créera une tradition non seulement au Québec, mais aussi dans l’appareil fédéral canadien.

L’Union du Haut-Canada et du Bas-Canada (1840)

L’article 41 de l’Acte d’Union de 1840 décréta que la langue anglaise était la seule langue écrite officielle du parlement du Canada-Uni. Cependant, comme l’usage verbal du français dans les débats parlementaires n’était pas formellement interdit, on continua d’employer cette langue sans qu’elle eût de statut juridique. L’usage s’installa et, de guerre lasse, Londres finit par l’accepter en 1848 et abrogea l’article 41 de l’Acte d’Union. Ce fut le retour au bilinguisme législatif et le français retrouva en 1849 sa légitimité; mais le statut de cette langue devait s’insérer dans le cadre d’un bilinguisme obligé.

La Confédération canadienne de 1867

L’article 133 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 prévoyait que toute personne avait le droit d’employer l’anglais ou le français au parlement du Canada et à celui du Québec ainsi que devant les tribunaux fédéraux du Canada et du Québec. Il énonçait également l’obligation de recourir à l’anglais et au français dans la rédaction des lois et autres documents parlementaires. Il faut bien noter cependant que cet article n’avait pas pour but de proclamer le bilinguisme officiel ni au Canada ni au Québec.

Les gouvernements qui se sont succédé au Québec jusqu’à la fin des années 1960 n’ont que très peu légiféré sur la langue.

L'époque des lois linguistiques

À partir de 1960, à la suite de la Révolution tranquille, le Québec passa à l’ère du modernisme. La langue française fut plus que jamais un symbole identitaire. Elle devint même un moyen de libérer une société qui n’acceptait plus son statut de minorité. Ce fut l’époque de la loi 63 (Loi pour promouvoir la langue française au Québec, 1969, abrogée), la loi 22 (Loi sur la langue officielle, 1974, abrogée) et la loi 101 (Charte de la langue française) qui fut modifiée à plusieurs reprises. Parallèlement à ces différentes législations, en 1969, le français devint une des langues officielles des institutions fédérales. Au Québec, l’adoption de la Charte de la langue française changea radicalement le statut du français. Cette loi, toujours en vigueur, tendait à rendre le Québec aussi français que l’Ontario était anglais. La Charte de la langue française visait notamment à scolariser en français les enfants des immigrants qui venaient s’installer au Québec, garantissait aux Québécois le droit de travailler en français et prévoyait des dispositions pour franciser les entreprises. La loi ne s’appliquait bien sûr qu’à l’intérieur des frontières du Québec. Cette intervention politique a contribué à prémunir les Québécois de langue française contre l’assimilation linguistique, à redonner le contrôle de l’économie à la majorité francophone et à rendre à cette dernière sa fierté collective. Après 200 ans de tiraillement, le français a obtenu son statut de langue officielle et le Québec constitue, malgré son histoire mouvementée, le phare de la civilisation francophone en Amérique du Nord.

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