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Le Québec et la Confédération canadienne de 1867

Marcel Bellavance

Professeur retraité
Collège militaire royal du Canada


Saint-Jean-sur-Richelieu
Québec


La Confédération de 1867, pas plus que la Rébellion de 1837, ne peut se comprendre sans considérer l’époque où ces deux événements advinrent. La Rébellion de 1837 s’inscrit, en effet, dans le grand mouvement occidental du réveil des nationalités et de l’émergence des États-nations. La Confédération canadienne, quant à elle, relèverait de la deuxième phase de ce mouvement d’intégration politique et économique de certaines communautés culturelles morcelées, comme l’étaient celles de l’Allemagne et de l’Italie, incapables d’affronter isolément les défis découlant de la révolution industrielle.

À cet égard, porter attention aux colonies britanniques de l’Amérique du Nord du milieu du 19e siècle est très pertinent : le Canada, Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse étaient régies par la doctrine mercantiliste d’alors qui les obligeait à commercer exclusivement avec la métropole. En échange, l’Angleterre leur garantissait un accès privilégié à ses marchés. La révolution industrielle vint donc ébranler ce bel édifice qui amena les pays les plus productifs à adopter une politique de libre échange. Ce fut la voie qu’emprunta l’Angleterre en abolissant graduellement ses tarifs préférentiels, notamment pour le bois et le blé.

Le Canada fut ainsi plongé dans une véritable crise économique et politique, car le bois et le blé comptaient pour l’essentiel de ses exportations. Le choc fut ressenti si fortement que la bourgeoisie britannique de Montréal, désespérée, en vint à souhaiter l’annexion du Canada aux États-Unis. C’était en 1849. L’émoi passé, le gouvernement de l’Union du Bas-Canada (le Québec actuel) et du Haut-Canada (l’Ontario d’aujourd’hui) se tourna alors vers ses voisins étatsuniens, avec qui il signa, en 1854, un traité de réciprocité commerciale qui reprenait les principaux éléments du mercantilisme. En 1866, quand il fut question de reconduire cette entente, l’administration américaine opposa aux Canadiens une fin de non-recevoir.

Le choc ne fut pas moins grand. Que restait-il à faire pour sortir de l’impasse? Pourquoi ne pas réaliser alors l’union politique et économique de toutes les colonies britanniques? Ne s’agissait-il pas de la solution rêvée à l’instabilité politique chronique qui paralysait le fonctionnement des institutions politiques depuis au moins dix ans et le moyen de résoudre la crise financière, dans laquelle s’était enlisée la société ferroviaire du Grand Tronc, en lançant cette fois le grand projet de construction d’un chemin de fer transcontinental?

Conservateurs du Haut et du Bas-Canada s’empressèrent de profiter de l’occasion pour former aussitôt une majorité en Chambre grâce à leur alliance avec les libéraux du Haut-Canada (les Clear Grits), faisant ainsi des libéraux du Bas-Canada (les Rouges) leurs uniques adversaires. La durée de l’entente conclue en juin 1864 coïncida avec la genèse de la Confédération, période qui s’acheva en septembre 1867 avec l’élection du premier gouvernement du nouveau régime.

Ce que l’historiographie a retenu comme la « Grande Coalition de 1864 » fut possible grâce à un renversement des alliances qui entraîna l’isolement des Rouges sur l’échiquier canadien. Leur parti fut ainsi le seul, parmi les partis d’opposition des colonies, à être exclu de la Conférence de Québec à l’automne 1864. Ce fut là que les « Pères de la Confédération » jetèrent les bases, à huis clos, des Résolutions de Québec, qui devaient être votées au parlement, à l’hiver 1865, sans que les libéraux québécois pussent y apporter un seul amendement. Il ne restait donc qu’à consulter le peuple sur la question, comme l’exigeait la clameur qui montait d’un peu partout dans les comtés québécois. Il y eut une consultation populaire indirecte par des élections en septembre 1867, une fois le fait accompli, c’est-à-dire deux mois après l’inauguration officielle du nouveau régime, le 1er juillet de la même année.

La vigoureuse opposition des libéraux québécois à la Confédération a peu intéressé les historiens. Pourtant, elle fut si intense qu’elle suscita le regroupement de toutes les forces conservatrices de la petite bourgeoisie d’affaires, des professions libérales, du clergé catholique et de la grande bourgeoisie d’affaires de Montréal et de Toronto, des milieux tous proches de la classe politique. George-Étienne Cartier, le chef du parti conservateur québécois, était à la fois avocat des influents Sulpiciens, administrateur de nombreuses sociétés, dont le Grand Tronc, et un ami intime du grand vicaire Cazeau de Québec. Son leadership permit l’adhésion du Québec à la Confédération. Cartier fut un ardent partisan du rapprochement culturel entre les francophones et les anglophones. À ses yeux, les Québécois étaient « des citoyens anglais parlant français ».

Dès l’annonce de la formation de la « Grande Coalition », quelques représentants de l’épiscopat québécois firent connaître privément leur appui au nouveau cabinet, appui conditionnel, souvent pour défendre leurs intérêts politico-religieux, incompatibles, pensaient-ils, avec les idées libérales et démocratiques professées par le parti d’Antoine-Aimé Dorion. En mai et en juin 1867, la perspective d’élections prévues pour septembre poussa chaque évêque à intervenir officiellement dans le débat public en publiant individuellement un mandement qui exhortait les électeurs à voter pour des candidats favorables à la Confédération. Cette directive fut lue en chaire, le dimanche, par tous les curés du Québec qui devaient, de plus, la faire respecter. Ainsi, l’influence de l’Église québécoise dans les élections modifia totalement les enjeux. Un tel déséquilibre des forces en présence explique le triomphe en apparence éclatant des partisans de la Confédération au Québec : 47 députés conservateurs contre 17 libéraux. Une telle répartition des sièges cache cependant une toute autre réalité : les adversaires du fédéralisme recueillaient 45,1 % des suffrages exprimés dans l’ensemble du Québec et 48,4 % dans les comtés de la grande région montréalaise.

Il est intéressant de constater qu’en Europe, à la même époque, on assistait à la politisation des cultures (réveil des nations, « printemps des peuples ») et qu’au Québec, les élites s’éloignaient des patriotes de 1837, dont la pensée correspondait à ce renouveau. Pour déterminer l’avenir de leur nation, elles firent, en effet, une démarche opposée en préférant à l’autodétermination des peuples l’harmonie de l’Empire britannique. Le fait de penser minoritairement allait influencer désormais leurs réflexions et leurs comportements, en particulier durant les crises qui perturberaient bientôt la vie politique canadienne. Dès les premières années de la Confédération, survint, au Nouveau-Brunswick, une première tentative fructueuse faite par la majorité anglophone pour interdire les écoles de langue française dans cette province. L’édification d’une nouvelle nationalité anglo-américaine (« a British North American nationhood » plusieurs fois souhaitée au cours des débats constitutionnels) devenait réalité.

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