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La normalisation terminologique

Pierre Auger

Professeur
Université Laval

C’est à l’industrialisation, à compter du début du 20e siècle, que l’on doit les activités de normalisation des biens issus de la production humaine (machines, pièces, processus industriels, essais et analyses techniques, unités de mesure, fournitures de services, etc.), mais aussi des termes nécessaires pour désigner de façon univoque et sans ambiguïté tous ces objets, concrets et abstraits, construits par l’homme. Normaliser, c’est donc uniformiser les produits, en réduire le nombre de types, les décrire exactement afin de pouvoir les produire en masse et les commercialiser à une échelle mondiale. La tendance contemporaine est à la consommation, au trafic intense des biens et, plus généralement, à la mondialisation, omniprésente dans nos sociétés. De telles pratiques sont inimaginables sans la normalisation des biens et services qui facilite les échanges entre les peuples et qui, considérée sous cet angle, contribue à leur rapprochement.

Comme grandes entreprises de normalisation scientifiques ou techniques, on cite souvent l’une ou l’autre de ces organisations fondatrices de la normalisation internationale : l’Organisation météorologique mondiale (1873), l’Union postale universelle (1874), le Bureau international des poids et mesures (1875), la Commission électrotechnique internationale (1906) ou l'Union internationale de chimie pure et appliquée (1919) et bien d’autres encore, comme la Croix-Rouge internationale (1863) ou l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (1945). Chacune de ces initiatives a eu, en son temps, une importance déterminante pour le développement des pratiques ou des domaines associés. La mise en place de l’euro comme monnaie continentale européenne est à situer dans le même courant.

Mais c’est surtout grâce à l’Organisation internationale de normalisation (ISO, 1946 issue d'ISA, 1926 et de la Commission Électrotechnique Internationale - CEI, 1906) que la normalisation technique est aujourd’hui connue, une activité qui s’exerce tant au niveau international (ISO, Organisation internationale de normalisation) que national (ACNOR, Association canadienne de normalisation) et même infranational (BNQ, Bureau de normalisation du Québec). Il s’agit d’un vaste réseau qui couvre toute la planète et touche l’ensemble des domaines de l’activité industrielle humaine moderne. Ses produits sont les normes techniques (normalisation de choses) et les normes terminologiques (normalisation de termes), des documents issus des comités techniques chargés de définir un cadre de référence ou un langage technologique commun (terminologie normalisée) de façon à faciliter les échanges entre spécialistes et le transfert de technologies. L’acronyme ISO est un label de qualité très recherché des industriels.

Il faut enfin mentionner le travail immense accompli en ce domaine par le père de la normalisation terminologique moderne, Eugen Wüster, un ingénieur autrichien, qui a été professeur de terminologie à l’Université de Vienne et qui a fondé à l’ISO, dans les années 1930, le Comité technique 37 « Terminologie (principes et coordination) ». Les principes de travail mis en avant par Wüster pour encadrer l’élaboration des normes terminologiques ISO sont toujours d’actualité. Plusieurs lui reconnaissent également le titre de fondateur de la terminologie moderne.

Le troisième millénaire est donc marqué par l’arrivée de la mondialisation qui a ouvert un marché immense à la traduction, la contrepartie étant la localisation obligée des contenus linguistiques des produits et donc la traduction des messages linguistiques vers de nombreuses langues. La nécessité de terminologies uniformes dans les langues localisées est une contrainte qui a beaucoup servi la normalisation terminologique. Ainsi, plusieurs sociétés multinationales et organisations internationales en sont venues à développer des langages contrôlés, caractérisés par un lexique normalisé réduit et une syntaxe simplifiée, capables d’être pris en charge efficacement tant par la traduction humaine que par la traduction machine. Ces langages uniformisés sont une des manifestations de la normalisation langagière au 21e siècle qui accompagne nécessairement la mondialisation.

La normalisation a pour objectif la fourniture de biens et services uniformes, quelle que soit leur origine. Elle est en outre garante de leur potentiel d’intégration et d’échange dans la chaîne du travail humain. Les exemples d’application sont nombreux : pour les unités de mesure, pouvoir disposer de noms d’unités univoques s’intégrant au système international (métrique); pour les grandes chaînes de restauration rapide, pouvoir compter sur un approvisionnement local des matières premières qui garantisse l’intégrité et l’uniformité des produits-phares offerts partout dans le monde; pour l’agroalimentaire, pouvoir cultiver des produits uniformes s’adaptant aux goûts de différents groupes de consommateurs dans un contexte de mondialisation; pour l’aéronautique, pouvoir compter sur des normes de fabrication des composantes et pièces d’aéronefs compatibles pour l’ensemble de l’industrie de l’avionnerie. On pourrait allonger indéfiniment cette liste tant les activités de normalisation dans le monde sont nombreuses.

L’expression normalisation terminologique a deux acceptions. Dans la première, elle se définit comme l’ « uniformisation de la terminologie en usage dans un groupe socioprofessionnel donné », une action essentiellement pragmatique orientée vers l’efficacité de la communication spécialisée. Sa seconde acception, « Action par laquelle un organisme officiel choisit un terme de préférence à un autre ou à l’exclusion de tout autre et impose ce choix dans certaines circonstances », nous situe dans le contexte d’organismes comme l’ISO (comités de terminologie) et même dans celui des organismes officiels des États qui exercent un mandat d’aménagement linguistique et terminologique (commissions de terminologie). Ce dernier exemple peut être considéré comme une intervention humaine volontaire sur la langue pour infléchir son usage, intervention généralement dictée par une politique linguistique officielle explicite.

Ainsi au Québec, en conformité avec la Charte de la langue française (le projet de loi no 101) qui prescrit des mesures d’officialisation langagière, l’Office québécois de la langue française a mis en œuvre, en 2002, une nouvelle politique d’officialisation linguistique (Comité d'officialisation linguistique) qui prévoit la publication d’avis officiels à la Gazette officielle du Québec (avis de recommandation et avis de normalisation terminologiques) en restreignant toutefois le recours à la normalisation aux situations de communication officielle. On trouve également un mécanisme analogue dans la politique d’officialisation terminologique en France avec un réseau très étendu de commissions spécialisées de terminologie et de néologie (jadis connues sous le nom de commissions ministérielles de terminologie). Dans ce dernier cas, il n’est jamais question explicitement de normalisation terminologique comme telle, mais plutôt d’adoption de termes.

Enfin, en dehors des actions humaines externes et volontaires sur la langue, il faut dire que cette dernière possède une tendance naturelle à l’autorégulation qui contribue également à la façonner au fil des siècles. On parlera ici de normaison (ou de standardisation) plutôt que de normalisation.

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